Anonyme [1649], L’ESTROITE ALLIANCE ou la ionction du Parlement de Bretaigne & des trois Estats de la Prouince auec le Parlement de Paris. , français, latinRéférence RIM : M0_1309. Cote locale : A_3_25.
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L’ESTROITE
ALLIANCE ou la ionction du Parlement
de Bretaigne & des trois
Estats de la Prouince auec
le Parlement de Paris.

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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L’ESTROITE ALLIANCE
ou la ionction du Parlement
de Bretagne, & des trois
Estats de la Prouince, auec
le Parlement de Paris.

MESSIEVRS,

Tovs ceux qui ont quelque experience
dans la Politique, sont d’accord, que les recompenses,
& les peines, sont les deux fermes colomnes
qui soustiennent, les plus puissants Estats : & que pour tenir
les peuples dans vn paisible gouuernement ; il faut exciter,
leur esperance ou leur crainte par les promesses ou
par les menasses. Dieu mesme gouuerne cét Vniuers par
cette artifice innocent. Car quoy que plus absolu que tous
les Potentats de la terre, il puisse traitter auec l’esprit, sans
l’entremise des sens ; il se regle neantmoins à la condition
des hommes, & sçachant bien qu’ils sont composés d’vne
ame & d’vn corps, il n’entreprend rien sur celle-la que par
le moyen de celuy-cy. Il s’accommode à la foiblesse de ses
creatures, & renonçant au pouuoir que luy donne sa
souueraineté, il les intimide par les menaces, & les console
par les promesses : enfin tout le monde aduouë que
les Politiques à l’exemple des Orateurs, ne peuuent
tirer le consentement de l’homme plus puissamment,
& plus doucement, que s’insinuant accortement
dans son esprit, par l’esperance de l’honneur ou par la crainte
de la peine. Mais tous ne font pas dans vn mesme sentiment

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pour sçauoir lequel des deux voye est la plus aduantageuse
pour ranger les hommes plus asseurement à leur
deuoir.

 

Ceux qui soustiennent le party de l’amour, parlent auec
plus de verité, & auec vn zele plus sincere pour
la conseruation de la Couronne ; le Souuerain estant
le pere de ses suiets, il est obligé de les traitter comme
ses enfans, la crainte ne le rendre maistre que du corps,
& l’amour le fait regner sur les cœurs, ceux qui craignent
leurs maistres, cherchent la fin de leur seruitude, & ceux
qui les aiment, ne cherchent pas à recouurer leur liberté,
puis donc que les Princes qui gouuernent auec rigueur ne
sçauroient viure en asseurance ; & que la necessité veut que
ceux qui donnent de la crainte en reçoiuent aussi.

 


Qui Scepra duro sæuus imperio regit.
Timet timentes, metus in authorem redit.

 

Et qu’ils approchendent la reuolte des peuples, qui ne leurs
obeyssent que par cõtrainte, la voye de l’amour & de la douceur,
n’est-elle pas preferable à celle de la seuerité ? ouy sans
doute l’amour entre bien mieux dãs le cœur, que la cõtrainte ;
dans les ames genereuses, les recompenses, font bien
plus d’impression que les peines, & les promesses du Prince
animent bien d’aduantage les soldats que ses menaces,
les plus iustes Monarchies, & non pas les plus seueres, ont
esté les plus florissantes, si Dieu a traité quelquefois son
peuple auec rigueur, ça esté contre son inclination, sa douceur
a bien euë plus de pouuoir que sa seuerité, puisque
celle-cy ne luy a peu acquerir toute la Iudée & que celle-là
luy a sousmis tout l’Vnuers ; l’vne fait des esclaues, l’autre
des enfans.

Mais il est arriué (par vn mal-heur trop funeste) que ceux
qui estoient obligez de tenir cette voye de l’amour
& de la douceur, ont mieux aime suiure celle que
leur passion & leurs interests leur ont dictées. Ils ont cru
que le mépris qui est l’ẽnemy capital de la Monarchie, n’aist
aussi bien de l’amour que de la familiarité, que la crainte ne
peut produire que la haine, qui fait plus de tort à la reputation,
qu’a la puissance des Roys, qu’il faut se resoudre à

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perdre l’amour des peuples, pour s’en conseruer le respect,
& dire auec cet ancien, qu’ils me hayssent pourueu qu’ils
me craignent. Qui a iamais veu de plus detestables maximes,
la puissance du Prince n’est elle pas assez redoutable
par sa grandeur, sans la rendre odieuse par sa
cruauté, si les peuples n’ont point d’autres mouuements que ses
volontés, ne leur doit il pas donner vne honneste liberté, qui
leur persuade qu ils sont plustost ses enfants que ses suiets, &
que s’estant reserue les seules marques de la souueraineté, il
leur en laisse recueillir tous les fruicts. Cela est tres iuste, mais
Messieurs, vn Ministre estranger qui a trouué plus de resistance
à sa tyrannie (qu’il ne se fut iamais imaginé) dans la parfaite
vnion de tous vos cœurs, a voulu suiuant cette maxime de la
seuerité en tirer sa vengeance, aux despens de vos vies & de
vostre honneur, & comme cet Aman fauori du Roy Assuerus,
qui deuenu insupportable dans la prosperité, abusant de l’autorité
de son maistre auoit proietté la desolation de tout le
peuple d’Israel qui estoit dans les terres de son maistre, de
mesme cette peste de l’Estat auoit iuré la destruction & le saccagement
de la plus florissante ville du monde, & tramé la
ruine entiere de l’Estat ; mais comme cet abominable Aman
finit ses iours sur vn gibet, ou il deuoit immoler à sa rage l’innocent
Mardochée, aussi celuy-cy ira expier ses crimes par
vne mort ignominieuse & deuë à l’insolence de ses deportemens
au lieu où il auoit entrepris de faire mourir tant d’illustres
personnages, & alors on dira. Vidi impium, exaltatum &
eleuatum, [1 mot ill.] Cedros Libani, & transiui, & ecce non erat [1 mot ill.]
cum & non est inuentus locus [1 mot ill.]

 

Nous auions attendu iusques icy, pour nous ioindre à vous,
non pas que nous doutassions de l’equité de vostre cause, que
tous les gens de bien & les desinteressez, confessent la plus
iuste que vous ayés iamais embrassée ; mais esperants que ces
mauuais ministres, eussent changés de dessein, & qu’ils eussent
ouuerts les yeux à la lumiere de la raison, qui n’est refusée qu’à
ceux qui tournent leurs dos à ses rayons ; mais puis qu’ils demeurent
dans vn aueuglement volontaire ; que leurs cœurs
sont endurcis ; & qu’ils ne respirent que la perte de vostre auguste
corps, composé d’autant de demy dieux qu’il y a de personnes,

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& consequamment la destruction du nostre, & celle de
toutes les autres Cours souueraines, qui sont autant de branches
qui ne sçauroient souffrir d’estre retranchées de leur
tronc, sans perdre ce qu’elles ont de vie, puis qu’ils persistent
dans le dessein de perdre vostre ville, qui par vne fatale
necessité entraisneroit la ruine de toutes celles du Royaume,
nous sommes obligés de vous protester que ce que nous auons
de fortunes, est à vostre seruice pour le bien de sa Maiesté, &
que nous sommes tous prests à sacrifier nos vies pour le maintien
de son Estat, que vous protegez si genereusement, les trois
Estats de nostre Prouince font cette protestation, nous auons
vne braue noblesse qui ne demande qu’à seruir son Prince sous
vos estendarts, nous auons encor des Genereux & des Heros,
qui feront reuiure la memoire de ces illustres guerriers, du
Guesclin, de Clisson, de Rostrenaut, & de Richemont, qui ont
rendus de si considerables seruices à l’Estat, ils souhaitent d’vn
commun esprit le recouurement de leur Roy, qui vous a esté
enleué par l’attentat le plus execrable du monde, ils ne trouueront
leur repos qu’en le possedant, son absence apporte la
confusion & le desordre

 

 


Rege incolumi mens omnibus [1 mot ill.]
Amisso rapere fidem.

 

Il n’y a point de hazards ausquels ils ne voulussent se commettre,
il n’y a point de mort qu’ils n’estiment glorieuse pour la
cause commune, & la deliurance de leur Monarque,

 


Pulchramque petunt per vulnera mortem.

 

Nous iurons solemnellement vne vnion auec vous, pour combattre
les ennemis de l’Estat, nos trouppes sont tellement
vnies par ensemble qu’on les pourroit comparer auec celles de
Saul, que l’Escriture sainte dit qu’il sembloit que ce ne fut qu’vn
seul homme qui allat à la guerre. Abraham remporta vne victoire
signalée auec trois cens dixhuict soldats, sur vne armée
entiere de quatre Rois, parce que tous les soldats d’Abraham
estoient bien vnis & n’auoient qu’vn mesme esprit, & vne mesme
volonté. Que ne pouuons nous dire des nostres, que n’en
pouuons nous esperer, puis qu’elles surmontent en nombre
celles de nos ennemis, & qu’elles sont autant vnies d’esprit &
de cœur, que les autres sont separées, qui dans la parfaite connoissance
qu’elles ont de la iustice de vos armes, se viennent

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ranger à vostre party pour combattre sous vos auspices pour
l’accroissement du Royaume, qui auoit esté le seul motif qui
les y auoit attirées, elles ne peuuent suiure les mouuements
passionnés d’vn Ministre mal affectionné, qui flattant trop
agreablement toutes les volontés de sa Maistresse, corrompe
(par vn ascendant malheureux qu’il a gaigné sur son esprit) ses
desseins ; qui en leur source ne pouuoient estre que tres-bons,
partants d’vne Reine tres-pieuse & affectionnée pour le bien
& le repos de ses suiets.

 

Certes si sa Maiesté ne reiette ces flatteurs & ces menteurs,
qui luy deguisent les verités, & qui font passer tout ce sousleuement
general dé l’Estat pour vn petit frisson, elle pourroit
sentir & participer aux estranges conuulsions où vne suite plus
funeste pourroit precipiter tout le Royaume, vne de ses premieres
maximes deuoit estre de chasser de sa Cour tous les
flatteurs, puisque celuy qui se plaist a écouter les paroles du
menteur, a pour ministre des impies ; car comment est ce que la
verité pourroit trouuer place à la Cour, si les oreilles du Prince
ne sont ouuertes qu’au mensonge, qui s’estant accoustumé à
donner audiance à des imposteurs, ne peuuent qu’elles n’en
contractent quelque tache. Les Souuerains doiuent estre dautant
plus prompts à écouter la verité que ceux-la sont rares
qui la veulent entendre. Acchab Roy d’Israel porta vne hayne
mortelle au Prophete Micheas, parce qu’il luy predisoit le
mal qu’il auoit merité, & qu’il reprenoit ses vices auec vne respectueuse
liberté. Holophernes ayant apris d’Achior Prince
des Amonites ce qui se pouuoit dire de veritable du peuple
d’Israel, le mit entre les mains de ses ennemis, tant est vray ce
que Therence a prononcé, veritas odium parit, que la verité ne
produit & n’enfante que la hayne.

Il faut que sa Maiesté ferme les oreilles à ses lasches ennemis
de la France, il faut qu’elle ne les tienne plus ouuertes à
ces flateurs, qui ruinent les Royaumes, corrompent les plus innocents,
ils sont la cause de tous les maux imaginables, car si-tost
que la flatterie & les fausses accusations trouuent de l’accés
aupres des Princes, les innocents sont opprimés & les plus
iustes sont victimés à la passion de ces furies, accusés souuentefois
d’auoir commis des crimes ausquels ils n’ont iamais

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pensé. Susurro, dit l’Ecclesiaste, & bilinguis maledictus, multos
enim turbauit pacem habentes.

 

Le Roy des Ammonites pour auoir eu trop de creance aux
premiers de son estat, traitta mal les Ambassadeurs que Dauid
luy auoit enuoyez, pour l’asseurer de son amitié, mais il luy
en cousta la vie & la perte de son Royaume. Aristobulus fils
de Iean Hircan, le premier qui ayt porté le Sceptre apres les
Macchabées, ne fit il pas mourir son frere Antigonus ; parce
qu’il adiousta trop de foy aux rapports de ses fauoris, qui luy
persuaderent qu’il auoit attenté à sa vie ; ce crime ne demeura
pas sans punition, il mourut par vne espouuantable effusion de
tout son sang, au mesme lieu où il auoit fait massacrer son frere,
c’est icy vne belle leçon aux grands, qui ne deuroient pas
condescendre si facilement aux volontez de leurs Ministres,
ne sçait-on pas comme Herode Ascalonita sur la seule déposition
de son fils Antipatre, fit égorger ses deux autres enfans,
Alexandre & Aristobule ? l’Histoire rougit de la cruauté de
Philippe Roy des Macedoniens qui par vne pure & mal heureuse
condescendence aux accusations de son fils Parsée commenda
qu’on tranchast la teste à son autre enfant Demetrius,
qu’il croyoit estre d’intelligence auec les Romains.

Il n’y a rien si pernicieux aux Roys que la flatterie, l’escriture
le dit en termes exprés. Oleum autem peccatoris non impugnet
caput meum ; cette huile dont fait mention le Prophete
Roy n’est autre chose que la flatterie qui chatoüillant les oreilles,
glisse son venin & son poison dedans l’ame ; ce sont les
langues de ces sortes de gens qui garrotent les hommes
dans leurs pechez donnant des loüanges aux actions les plus
noires, il seroit à souhaitter que nos Princes eussent des personnes
aupres d’eux qui imprimassent dans leurs esprits cette
grande verité couchée dans Isocrate. Odi blandientes, tanquam
decipientes. Ie haïs égallement les flatteurs, & les trompeurs
Quinte Curse auoit bonne raison de dire que la flatterie
estoit le mal ordinaire des Roys dont ils sont continuellement
frappez & abbatus. Il disoit fort iudicieusement comme
grand Politique. Quorum opes sæpius assentatio quam hostis euertit.
Que ces sangsuës & ces flatteurs épuissent plus de Finances
à vn Roy que les plus puissantes forces d’vn ennemy.

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Tout le monde sçait, que sa Maiesté s’est laissée conduire par
des esprits de cette trempe, qui des tenebres de leur aueuglement
ont obscurcis les beaux rayons de zele & de fidelité
qui auoient tousiours parus sur son visage : si elle à violé sa parole,
voulant anneantir la derniere Declaration, c’est que ces
chiens imperieux (c’est ainsi que Diogenes appelloit Aristippus
homme de cette engeance du regne de Dyonisius) ont
peruertis son bon naturel, & si les tesmoignages d’amitié & de
bien veillance qu’elle auoit donnée publiquement pour la
ville de Paris sont maintenant conuerties en pure perfidie,
c’est que ses mauuais Conseillers abusent de son authorité &
de sa volonté.

 

Sa Maiesté estoit trop éclairée pour ignorer que l’integrité
de sa foy & de sa parole fut le plus ferme soustien de son
Sceptre, elle sçauoit bien le peu d’estime qu’on fait d’vne
personne, dont la parole est aussi inconstante que le vent, &
qui a tousiours de belles paroles en la bouche, sans en venir
iamais à l’execution : la fidelité, dit le Prince de l’eloquence
Latine en ses offices, n’est appellée de ce nom que pour nous
monstrer que ce qui a esté arresté doit estre executé sans delay.
Dicta quidem est fides, quoniam fiat quod dictum est, Marcus
Attelius a donné vn bel exemple de cette verité, qui a appris à
toute la posterité qu’il faut garder la foy mesme aux ennemis,
combien donc plus raisonnablement à nos amis.

Iosué & les Princes d’Israël ayans fait alliance auec les Gabaonites,
qui les auoient trompez, & inuestis par fraude ; ayant
appris la verité du fait ne voulut iamais violer son traité, ny
exercer sur, les Gabaonites aucun acte d’hostilité, quoy que
tout le peuple les voulut assommer. Voila combien a esté sainte
& inuiolable la foy donnée parmy les Anciens ; C’est pourquoy
le Roy Ezechias est accusé d’auoir violé ses promesses,
car apres auoir protesté de son seruice au Roy de Babylone, &
de luy payer tous les ans vn tribut, il ne garda pas sa foy ; &
pour punition de son infidelité, il treuua en sa propre ruine celle
de tout son Royaume.

Personne ne pretend que les Princes soient dans l’impuissance
de retracter leur parole. Ils le doiuent faire, quand ils l’ont
engagée pour des causes iniustes, & contraires aux Loix diuines

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& fondamentales de l’Estat. Dauid auoit bien resolu de
tuër Nabal ; Il s’estoit mis en chemin pour aller executer ce
meurtre, mais ayant esté appaisé par les belles paroles & les
tres-humbles supplications de la femme de Nabal, il luy pardonna.
Le Roy Assuërus ayant esté persuadé par son fauory
& ministre Aman, auoit porté vn Edict, par lequel tous les
Iuifs qui estoient en toute l’estenduë de son Royaume en deuoient
sortir à vn iour arresté. Mais la Reine Esther luy ayant
découuert la verité, & asseuré que ce peuple estoit innocent &
qu’il n’auoit rien entrepris contre son Estat, il reuocqua son
Edict, & abolit ce qu’il auoit commandé.

 

Sa Maiesté a esté surprise, elle s’est laissée persuader par vn
lasche & infidelle Ministre ; que la ville de Paris luy dressoit
des embusches ; que dans vostre auguste compagnie, tres-affectionnée
à son Prince, il y auoit des particuliers qui estoient
d’intelligence auec les ennemis du Royaume. Quels plus impertinents
pretextes pouuoient-ils inuenter pour excuser l’enleuement
du Roy ? La Reine a consentie, comme vn autre
Assuërus, au saccagement & à la desolation de sa Ville capitale ;
Elle a consenty à la mort de tant d’illustres Heros. Il faut
qu’vne autre Esther la detrompe, & luy fasse changer ses funestes
desseins. Il faut qu’elle retracte sa parole ; & qu’ayant découuert
la malice de ce meschant Genie, elle condamne & deffende
ce qu’elle auoit ordonné : Cette Esther est la iustice, que
ces Tyrans ont voulu étouffer, pour contenter & satisfaire
auec plus de facilité leurs ambitions : Quels noms ne sont-ils
pas allez forger iusques dans les Enfers, pour donner de specieux
pretextes à leurs voleries & exactions. Tous ces tributs
& toutes ses nouuelles impositions repugnent, tant au droict
diuin qu’humain, elles retirent les cœurs & les volontez des
subiets de l’obeissance & de l’amour de leur Roy. On a veu
pour cette raison qui ont quittez vn Estat pour s’aller ietter
dans vn autre. Les dix-huit Tributs d’Israël abandonnerent
Roboam fils de Salomon, parce qu’il se rendit inexorable à
leurs prieres, & qu’il ne voulut pas les décharger d’vne partie
des tributs que son pere leur auoit imposez. C’est de ses iniustices
& oppressions publiques que prouient la perte des
Royaumes entiers. C’est delà que viennent ces grandes & entieres

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reuolutions des Estats. Regnum de gente in gentem transfertur
propter iniustitias & contumelias, & diuersos doles. C’est
delà que naissent tant de carnages & de massacres.

 

Si donc sa Maiesté ne veut suiure maintenant la Iustice, si
elle reiette vos raisons & vos remonstrances pleines de soubsmissions
& de respects, ne desistez pas pourtant de vostre genereuse
& heroique entreprise. Vous estes les protecteurs de
la iustice aussi bien que de tout le Royaume : nous seconderons
icy vos bons desseins : nous trauaillerons vnanimement auec
vous, comme doiuent faire tous ceux qui ont le cœur vrayement
François. Nostre procedé & toutes nos actions n’auront
autre but que celuy que les vostres se proposent, la conseruation
du Royaume, & l’extermination de son perfide ennemy.
Et pour sceler d’vn double seau nos premieres protestations,
nous vous repetons & reïterons pour vne seconde
fois nos premieres offres, nos vies & nos biens, nous ferons
marcher au premier son de trompette qui nous viendra de vostre
part dix-mille hommes, qui ne sçauent que vaincre ou
mourir. Monsieur le Marquis de Coaquin en a desia leué quelques
troupes, qui sont allez ioindre celles de Monsieur de
Longueville. Les trois Estats de nostre Prouince trauaillent à
mesme fin, à l’enuy l’vn de l’autre. Si en mil trois cents nonante
& neuf la Bretagne mit sur pied quatre-vingt mille combattants
en quinze iours, pour aller desliurer nostre Duc Iean
cinquiesme que Marguerite de Clisson fit surprendre & mener
prisonnier au Chasteau de Paluau en Poictou, l’ayant inuité
par le ieune Comte Oliuier de Pointhierue à venir à
Chantoceaux pour y passer quelque temps, elle mettera bien
d’auantage maintenant pour aller deliurer son Roy, si les affaires
viennent à ce point, que nous ne peussions recouurer
nostre Monarque que par la force des Armes.

Ioignons donc & vnissons nos cœurs & nos Armes pour
cét effet, afin que le pauure peuple trouue vne fin à ses gemissemens
& à ses persecutions qu’vn Ministre estranger & tyrannique
luy fait souffrir, & rencontre la ioye, la felicité, & le
repos dans le calme d’vn gouuernement plus doux qui est celuy
des hommes iustes.

In multiplicatione iustorum lætabitur vulgus. eum impii sumpserint
principatum gemet populus.

FIN.

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