Anonyme [1649], L’ECHO LVGVBRE DE LA FRANCE, AVEC L’OPPRESSION de la ville de Paris. Et les ruses du Renard Sicilien descouuertes. , françaisRéférence RIM : M0_1180. Cote locale : A_3_42.
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L’ECHO
LVGVBRE
DE LA FRANCE,
AVEC L’OPPRESSION
de la ville de Paris.

Et les ruses du Renard Sicilien descouuertes.

Toute cette grande Monarchie retentist auiourd’huy
de ce pitoyable Echo : Le Roy est
enleué du cœur de l’Estat. Ne m’appellez plus
l’agreable, appellez moy la desolée & pleine
d’amertume : i’estois comblee de biens, mais ie me vois
depourueuë des necessitez de la vie ; puis ie dire apres la
belle mere de Ruth dans l’Histoire Sacree : C’est le
vray sentiment de ma iuste douleur, puisque l’on m’a rauy
mon Roy & mon Epoux tout ensemble, & par vn
complot pernicieux, & vne malice estudiee depuis long-temps,
l’on veut oster à mes Enfans les moyens de viure
& de subsister : Action si detestable, & crime tellement
noir, qu’il a fallu que son autheur le Cardinal Mazarin
aye cherché le voile de la nuict pour en couurir l’enormité,
le Soleil eust eclipsé sa lumiere, ou rebroussé sur

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ses pas, s’il eust attenté de faire esclorre cette perfidie en
plein iour. Il ne faut pas s’estonner si ce lasche Sicilien
imite le Prince des tenebres en cette action si noire, puisqu’il
luy sert de suppost, ayant entrepris d’acheuer de
perdre cet Estat que son predecesseur le Cardinal de Richelieu,
dont il suit les ambitieuses maximes, auoit desia
mis en desolation. Ne sçait-on pas que les Siciliens ses
Compatriotes en sont les ennemis iurez ? & qu’au son
des cloches par vn funeste signal ils esgorgerent iusques
à 30000. François sous le Roy Philippe troiziesme dit le
Hardy. Qui peut douter que ce Partisan affidé de l’Espagne
dont il porte si fortement les interests, n’ayt contre
nous vne haine hereditaire aussi bien qu’Hannibal
contre les Romains, veu qu’estant armé de pouuoir dans
l’vsurpation de l’authorité Royalle, il s’est approché
de Paris pour l’affamer beaucoup plus prez, que le mesme
Hannibal victorieux ne fist iamais de Rome ? Ah !
que de Caïns ont esté suscitez contre des Abels innocens
par cet esprit animé de vengeance ? qu’il prend
plaisir de voir mes entrailles deschirees, & la pureté des
lys soüillee par mes Enfans armez les vns contre les autres,
& qu’il voudroit voir les campagnes rougies de
leur sang, pour donner cependant beau jeu aux Ennemis
de ce Royaume, qui n’ont peu rien gaigner iusques
à present que de la honte & des coups. Et certes qui ne
voit que la Prouidence Diuine qui m’a tousiours pris en
sa protection, n’ayt ruiné les desseins de ce malheureux
Ministre ? tesmoing le siege de Lerida, qui s’alloit rendre
s’il eust enuoyé gens & argent pour secourir ce Prince
qui est auiourd’huy son appuy, tesmoin le siege de Courtray
où tant de soldats François furent immolez à la fureur
des Ennemis pour auoir donné ordre au Comte
de Paluau Gouuerneur de cette place là d’en sortir auec
2000. hommes. Trahison depuis recompensee du Gouuernement
d’Ipre ; tesmoin encore la derniere bataille

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de Lens, où il a fallu combattre l’armee ennemie beaucoup
plus forte que la nostre ; enfin si nous n’auons succombé
iusques à present, c’est vn coup du Ciel qui a
ruiné sa conduite, qui ne tendoit qu’a nostre perte. Dira-t’on
qu’il a fait triõpher les armes du Roy dãs l’Italie ? que
le Mareschal de la Mesleraye à pris par ses ordres Portolongone
& Piombin ? qu’il a porté la terreur en ce païs
par les sieges d’Orbitello & de Cremone, & que par son
industrie le Duc de Modene a espousé nos interests par
la ionction de ses armes ? qu’il a fait reuolter le Royaume
de Naples contre le Roy d’Espagne son Souuerain,
& que par ce moyen le Viceroy D. Iuan d’Austriche fut
chassé de Naples, ou Monsieur de Guise fut introduit,
& receu comme vne diuinité des Neapolitains, qui se
tenoient tres-heureux d’estre affranchis du joug insupportable
des Espagnols ? Mais il n’y a point d’esprit si
grossier, qui n’ayt veu que toutes ces leuées de bouclier
ne seruiroient que pour faire la diuersion des armes du
Roy, qui ne pouuoient estre mieux employees qu’en
Flandres, pour éloigner la guerre qui est presque à nos
portes, & par vn puissant effort asseurer les conquestes
que nous auons fait sur les ennemis ? qui ne sçait que les
sieges d’Orbitello & de Cremone, ont esté leuez honteusement
faute de gens & d’argent ? qui ne sçait encore
que ceste belle guerre de Naples, s’en est allée en fumée
faute d’auoir enuoyé vne puissante armée au Duc de
Guise pour seconder & faire reussir ses desseins à la gloire
de cét Estat ? Ne sçait on pas bien que nostre armee
Nauale ne bougea iamais de Toulon, sous pretexte que
la mer & les vents estoient contraires, bien loin de secourir
ce Prince dans Naples, & forcer les postes que les
Espagnols auoient saisis à l’entour de ceste ville ? L’armee
Nauale d’Espagne estoit en telle posture, à couuert de
Castel-nouo, & du Chasteau sainct Elme qu’ils occupoient,
qu’on ne les pouuoit attaquer sans danger. Nous

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Nous voyons auiourd’huy par experience que ce Cardinal
sans titre, qui ne s’est fait naturaliser en ce Royaume
que pour le perdre, afin d’y posseder les plus beaux benefices,
épuiser les Finances, & exiler nos Iustes en Italie,
veut que Paris serue de theatre pour y joüer la mesme
tragedie que l’on a veu à Naples ; que la faim, le fer,
& le feu, soient les funestes instrumens pour satisfaire
sa vengeance, & assouuir sa cruauté : que pour cét effet
il a fait venir les troupes qui estoient en garnison sur les
frontieres pour destruire vn peuple qui est dãs l’oppression
depuis trente ans sans se plaindre. Nous voyons encore
que cét auare insatiable a fait seruir nos tresors afin
d’achepter à Rome le Palais de Montalte, vn Chapeau
de Cardinal à feu son frere, moyennant cinquante mille
escus, le droit de Bourgeoisie à Venise, & la Principauté
de Strozzi prés de ceste ville là. En fin que voyons
nous ? vn Parlement tres-innocent, l’honneur de cét
Estat, que l’on veut faire passer pour coulpable, pour en
auoir voulu reparer les desordres : Vn peuple iustement
armé pour la deffense de sa vie & de sa liberté, que l’on
luy veut rauir par vn blocus iniuste. Nostre Roy enleué
deux heures apres minuict dans l’innocence & la tendresse
de ses plus belles annees. Vne Reyne sa mere qui
l’a mis au monde par miracle, aussi bien que Monsieur
son Frere, aymer mieux voir ce Royaume en danger
euident, que de souffrir l’esloignement d’vn detestable
tyran, vn premier Prince du Sang, estre tombé dans vn
semblable sentiment, & vn autre Prince qui seroit plus
estimable que Cesar, s’il n’auoit leué comme luy les armes
contre sa propre patrie, auoir pris le party de ce perturbateur
du repos public, pour attirer sur soy la hayne
vniuerselle des peuples, & ternir le lustre de ses actions
passées. Sera-t’il dit que ceste nation tousiours victorieuse
parmy les autres, ayt eu le mesme sort que l’Empire
Romain, qui ne fust vaincu que par ses propres armes

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dans la guerre ciuile ; que les estrangers se mocquent
de nous, voyans que les puissances supportent
celuy qui merite d’estre exterminé de tout le monde,
puis qu’il a rauy la paix exterieure & interieure, au dehors
& au dedans de ceste Monarchie, & qu’il tesmoigne
vouloir abolir le Parlement, qui est le chef d’œuure
de nos Roys. Enfin qui voudroit comme ce cruel Empereur
Romain, que tout Paris n’eust qu’vne teste pour
l’abbatre d’vn seul coup. Mais il est à esperer que Dieu
confondra ses desseins, qu’il lancera le foudre de sa
vengeance sur sa teste criminelle, & qu’il rendra contre
luy en nostre faueur vn Arrest plus sanglant que celuy
du Parlement, qui luy faisoit plus de grace qu’il ne meritoit.
Armez vous donc peuples François, & venez soulager
l’oppression de Paris, qui est le chef & le cœur de
cét Estat. Asseurez vous que si ceste ville capitale venoit
à perir, selon les intentions pernicieuses des Mazarins,
les autres villes exposées à leurs brigandages, suiuroient
bien tost le mesme bransle dans vne commune ruine.

 

FIN.

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