Anonyme [1649], L’ASTROLOGVE BVRLESQVE. , françaisRéférence RIM : M0_429. Cote locale : C_2_11.
SubSect précédent(e)

L’ASTROLOGVE
BVRLESQVE.

DIALOGVE.

L’ASTROLOGVE. LE PAYSAN.

LE PAYSAN.

 


HÉ, bonjour, Monsieur l’Astrologue,
Ie voudrois bien faire vne eclogue,
Et discourir auec vous
De la fortune de nos choux,
Que des soldats de bonne mine
Ont mangé jusques à la racine.
Ils m’ont gasté tout mon Iardin,
Et par vn estrange desdain
Ils ont rompu ma maisonnette
En faisant par tout maison nette.

 

 


Nostre voisin a bien perdu,
Car tout son plancher est rompu,
L’huis de la grange & la fenestre,
Qu’il auoit auprés de Vincestre,

-- 4 --


Nos eschalas sont tous bruslez,
Et tous nos champs si desolez
Que l’on iugeroit à la veuë
Qu’ils n’ont point senty la charue
Depuis plus de trois ans d’icy,
Ce qui me met en grand soucy.

 

L’Astrologue.

 


Mon bon homme, je vous asseure,
Qu’il viendra quelque iour vne heure
Où vous verrez asseurement
Vn agreable changement,
Ne faut seulement que permettre
Au Ciel qu’il nous puisse remettre,
Au temps que nostre astre malin
Se trouuera sur le declin,
Et que le bon-heur de la France
Rabonnira nostre esperance.

 

Le Paysan.

 


Mais, Monsieur, sera-ce bien-tost ?
Car vn homme m’a dit tantost,
Qui venoit d’auprés la Sorbonne,
Que chacun dans Paris s’estonne,
Et qu’on n’espere desormais
Qu’on vueille maintenir la paix,
Et que le Roy va à Compienne,
Quand pensez-vous qu’il en reuienne ?

 

-- 5 --

L’Astrologue.

 


Mon amy, l’affaire des Roys
N’est pas celle-là des Bourgeois,
Croyez, car ie vois que vostre aage,
Vous doit rendre prudent & sage,
Qu’il y a quelque grand dessein
Que la Reyne a dedans son sein,
Et que la force Archiducal,
Doit ceder à sa main Royale
Qui le contraindra pour iamais
Bien tost, ou d’accorder la paix,
Ou de bien vistement desprendre
Des Villes qu’il voudroit reprendre.
Mais pour reuenir à Paris,
Ce que vous en auez appris
N’est rien qu’vne puce fadaise,
Le peuple doit estre à son aise,
Et croyez que deuant long temps
Tous les esprits seront contens,
Le simple peuple aura la vogue,
Le soldat ne sera plus rogue,
Le Marchand enfin gaignera,
Châque Mestier se remettra,
L’on verra florir la Iustice,
Les meschans quitter ont le vice,
Le Parlement plus asseuré
Ne se verra plus afferé,

-- 6 --


Les Princes auec diligence
Reuiendront en intelligence,
Et seront la crainte & l’effroy
Des ennemis de nostre Roy,
Qui les precedant en courage
Ne souffrira plus qu’on l’outrage,
Car en se voyant absolu
Ce jeune Prince resolu
Suiuant la trace de son pere
Voudra que sa France prospere,
Et taschera par tous moyens
De bien-heurer ses Citoyens.

 

Le Paysan.

 


Cependant que faudra il faire ?
Car ie vois bien que cét affaire,
Ne peut auoir si promptement
Sa fin ny son commencement,
Nostre Roy n’ayant pas l’année
Competante à sa destinée,
Car tousiours quelque suborneur
Voudra luy rauir cét honneur
D’auoir veu son bien & sa terre
Hors des miseres de la guerre,
Et qu’il nous ait mis en repos.

 

L’Astrologue.

 


Vous discourez fort à propos
Et ie loüe vostre prudence,
Car estant dans la dependance

-- 7 --


Ce jeune Roy ne nous sçauroit
Faire du bien quand il voudroit,
Mais attendez que ie vous die
Où gist toute la maladie.

 

Le Paysan.

 


A propos, Monsieur, on m’a dit
Que vous auez bien du credit,
Et que vous lisez dans les astres,
Nostre bon-heur & nos desastres,
Ie voudrois bien sçauoir de vous
Ce qui peut arriuer de nous,
Car si la paix estoit bien stable
Ie rebastirois nostre estable
Pour y mettre des pourceaux gras,
Car les soldats l’ont mise à bas.

 

L’Astrologue.

 


Mon amy puis que vostre enuie
De bonne grace m’y conuie,
Puis que vous desirez si fort
De sçauoir à droit ou à tort
Où doit tourner nostre fortune,
Et qu’elle nous sera commune
En faisant tous vn mesme essay,
Ie vous diray ce que i’en sçay.
Sçachez donc qu’en iettant ma veuë
Sur vne lune despourueuë
De son ordinaire clarté

-- 8 --


Durant les plus beaux iours d’Esté,
Par la terre qui s’y oppose
Ie ne preuois que bonne chose,
Cette Eclypse entrant au Dragon
Qui ne fait iamais rien de bon.
Vne encore beaucoup pire
Doit arriuer sur cette Empire,
Mais elle sera ce Soleil
Qui nous retirant son bel œil
Ira ietter son influence,
Sur les Frontieres de la France,
Estant non bien loin du Lyon,
Qui nous doit faire vn milion
D’apprehensions inhumaines,
Mais pourtant elles seront vaines,
Car Iupiter le regardant
En trine aspect, va d’ardant
Sa foudre sur vne autre terre
Pour y faire regner la guerre,
Ce Dieu se seruira de nous
Pour y ietter ses plus grands coups,
Et delaissant nostre campagne
S’en ira sur celle d’Espagne
C’est ce qui vous doit reioüir,
Puis qu’on ne va plus rien ouïr
De tous ces mots à la sygongne
Qui ne faisoient rien que vergongne,

-- 9 --


Et qu’on n’attendra desormais
Que la victoire ou que la paix :
Saturne & sa melancholie
Me fait paroistre vne folie
Qui pourtant s’éuanoüira
Quand l’Ecreuice s’en ira,
Car cét Astre qui marche à peine,
Et dont la touche est inhumaine,
Espouuantant de sa couleur,
Portera bien loin le malheur
Quand il ira dans la Contrée,
Où premier il fit son entrée.
Enfin ie voy comme Venus
Receura des hommes venuë
Pour luy rendre vn tres-iuste hommage,
Qui ramandra tout le dommage
Que la France à iamais receu,
Et si ie ne suis point deceu
Par l’apparance de mon Astre,
Ie donne treue à tout desastre,
Ie bannis la guerre d’icy,
Ie vois que le Ciel adoucy
Fera tourner toute sa sphere
Au point le plus doux & prospere
Pour nous faire auoir à iamais
L’abondance auec la paix.

 

Le Paysan.

 


Vrayment, Monsieur, tous ces beaux
mots

-- 10 --


Ne sont pas pour des idiots,
Le Curé de nostre Village
Ne parla iamais langage
Mais pourtant ie reconnois bien
Que vous nous promettez du bien.
Continuez vostre harangue,
Et Dieu benira vostre langue.

 

L’Astrologue.

 


Ie prendrois les choses plus loin,
Mais comme nostre plus grand soin
Est de sçauoir ce qui nous touche
I’ouuriray seulement la bouche.
Et vous feray voir clairement.
Le plus prochain euenement.
Ie vois Ganimed qui verse
Du vin tout nud à la renuerse,
Pour la bouche de Iupiter,
Que Baccus luy vient presenter.
Nous auons fort bonne vendange.
De plus ie vois Cerez qui range
Des espics le long des sillons,
Espais comme des bataillons,
C’est que nous aurons abondance.
De bleds & de toute semence.

 

Le Paysan.

 


Bonne nouuelle que cela,
Monsieur, il faut demeurer là
On m’attend à nostre Village,
Où ie vay dire au voisinage

-- 11 --


Que i’ay trouué dans mon chemin
Vn homme sage & tout diuin
Lequel m’a predit que la guerre
Doit sortir hors de nostre terre,
Et que nous aurons pour iamais
L’abondance auec la paix.

 

FIN.

-- 12 --

SubSect précédent(e)


Anonyme [1649], L’ASTROLOGVE BVRLESQVE. , françaisRéférence RIM : M0_429. Cote locale : C_2_11.