Anonyme [1649], L’ADIEV DE MAZARIN BVRLESQVE. , françaisRéférence RIM : M0_40. Cote locale : E_1_21.
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L’ADIEV
DE
MAZARIN
BVRLESQVE.

Sur l’Imprimé à Paris.

Chez CLAVDE HVOT, ruë saint Iacques.

M. DC. XLIX.

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Adieu donc pauure Mazarin,
Adieu mon pauure Tabarin,
Adieu mon conseiller suprême,
Adieu destructeur de Caresme,
Adieu peste du Carnaual,
Adieu beau, mais meschant cheual,
Adieu l’oncle aux Mazarinettes,
Adieu pere aux Marionnettes,
Adieu l’Autheur des Theatins,
Adieu maistre des Triuelins,
Adieu grand faiseur de machines,
Adieu cause de nos ruines,
Adieu grand remueur de glands,
Adieu le plus beau des galands,
Adieu beuueur de limonades,
Adieu l’inuenteur de pommades,
Adieu l’homme aux bonnes senteurs,
Adieu l’amy des senateurs,
Adieu l’Abbé à vingt chapitres,
Adieu seigneur à mille titres,
Adieu des Ministres le chef,
Adieu gouuerneur de la nef,
Adieu timon de ma broüette,
Adieu ma plaisante choüette,
Adieu grand inuenteur du hoc,
Adieu frere jadis d’vn froc,
Adieu la moustache collée,
Adieu braue teste pelée,
Adieu Calotte, Adieu bonnet,
Adieu piece de cabinet,
Adieu bastisseur d’escuries,
Adieu l’esprit à fourberies,
Adieu gentil Sicilien,
Adieu phorphante-Italien,
Adieu qui ne veux estre Euesque,
Adieu l’homme à Bibliotheque,
Adieu tout, si ce n’est pedant,
Adieu suprême intendant,

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Del education Royale,
Adieu teste à nulle autre égale
Hé ! que fera le Parlement
Priué de ton entendement ?
Que fera le Ciel de la France
Sans cette haute intelligence ?
Helas que bien t’ost l’Espagnol
Chantera comme vn rossignol
Nous voyant sans cét habile homme
Qui nous estoit venu de Rome.
Helas que bien-tost l’Archiduc
Nous voyant dépourueus d’vn Duc
Mais ie parle par parabole
Et j’entens de celuy qui vole,
Qu’on croit nonobstant le reuers
Vouloir estre Duc de Neuers,
Nous va rauager les frontieres
Et prendre Prouinces entieres.
Helas que nous aurons de mal.
N’ayant plus ce grand Cardinal !
Que le conseil sera profane
S’il quitte la sainte sotane.
Mes enfans que deuiendrons-nous
Sans singe dessus nos genoux ?
Hé que ie preuoy de miseres
Apres la perte des deux freres,
Puisque l’Eminent Iacobin
Qui estoit vn plaisant Robin
Le Viceroy de Catalogne
Est mort, & que l’autre s’éloigne.
Mais s’il est permis en ce lieu
D’alleguer les liures de Dieu
Qui dans vne meschante ville
Vouloit pardonner à cent mille
Pourueu qu’ils s’en peû trouuer dix
Qui meritassent Paradis.
Comment éuiter sa vengeance,
Tous les justes sont hors de France,
Et j’ay peine que dans Paris
L’on n’en puisse pas trouuer dix

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Nostre Mazarin les emporte
Ils luy seruent de bonne escorte
Et nous aurons vn pied de nez
Quoy que soyons enfarinez.
Toutesfois que Dieu le conduise
Deut il mesme aller à Venise,
Deut il aller à Monaco
Lieu fort propre pour vn Becco,
Deut il estre aupres du saint Siege
Et deut il s’en aller à Liege,
Car nous luy donnons Passeport
Pour l’Est, l’Oüest, le Sud, & le Nort,
Deut il aller à tous les Diables
Qui pour luy sont gens sociables.
Car pour viure dans saint Germain
Apres vn si mauuais dessein
Que d’affamer la bonne ville,
D’allumer la guerre ciuile,
Et de faire que les François
Ainsi que Troyens, & Gregeois
Se portassent des estocades
Et de corps fissent barricades,
Apres auoir pris nos loys
Dont nos yeux estoient resiouys
Tant original que copies
Dont auez vos banques remplies,
Apres les emprisonnemens
Apres les empoisonnemens
Qu’auez fait, & que vouliez faire
Des gens que la France reuere
Et qu’ayant par force élargis
Vouliez loger à Montargis,
Apres toutes vos fourberies
Apres toutes vos voleries
N’esperez pas cher Cardinal
D’y passer d’autre Carnaual.
Ne serez vous pas bien à plaindre
Lors que n’ayant plus rien à craindre
Dans quelque lieu de seureté
Vous viurez dans la volupté,
Et ferez de belles dépences,

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Soit en parfums, soit en essences,
Sans enuieux, & sans ialoux
Tenant singes sur vos genoux ?
Car icy tousiours quelque affaire
De vos plaisirs vous vient distraire
Tousiours courrier dessus courrier
Vous prie de l’expedier,
Quelque rencontre, quelque attaque
Quelque benefice qui vaque
Quelque aduis par vos espions
Des estrangeres nations,
Quelque partie casuelle,
Vous tiennent tousiours en ceruelle,
Et tenant cartes ou cornet
Vous font entrer au cabinet.
Mais, direz vous, i’ayme la France,
Et les grands soins de la Regence
Me diuertissent seulement,
Car la Cour est mon élement.
Il est bien doux de voir des Princes
Et des Gouuerneurs de Prouinces,
Des Ducs, & Pairs, des Mareschaux
Loüer mon hostel à cheuaux,
Et dire que mon Eminence
Sçait mieux ioüer qu’homme de France.
Ie l’auouë c’est grand plaisir
Mais parlons vn peu à loisir.
Respondez moy Messire Iule
Qui passez pour parent d’Iüle
Parce que sommes tous venus
Nous, & luy de Dame venus,
Si cette gloire vous agrée
D’auoir l’authorité sacrée
Quoy que vous ne le soyez pas,
Que regarder de haut en bas
De nous commander à baguette
Soit ce que vostre cœur souhaitte,
Donnant pensions, & breuets
Iusqu’au moindre de vos laquais,
Ce n’est vn ergo necessaire
Qu’aussi cela nous doiue plaire,

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Et c’est assez qu’en bons François
Nous obeyssions à nos Roys.
Car enfin nous sommes trop braues
Pour deuoir estre vos esclaues.
Si vous vous fussiez contenté
De quelque mediocrité,
Si sans vsurper la couronne
Où du moins le droit qu’elle donne
Vous eussiez en homme d’estat
Seruy nostre bon potentat,
Vos defauts, & vostre naissance
N’eussent pas tant choqué la France :
Et d’vn excez de charité
Elle eut encor patienté.
Mais à present mon cher compere
Vostre depart est necessaire.
Car il est certain que Paris
Vn iour reuerra son Louys
Que vous n’auez pas esperance
De transporter hors de la France :
Ainsi que le rouge metal
Pour vous fort bien, pour nous fort mal
Or le Roy reuenant en ville
Ie vous crois homme trop habile,
Et pourtant ne l’estes pas trop,
pour y reuenir au galop
Au pas, au trot, ou d’autre sorte ;
Car eussiez vous meilleure escorte
Que n’auiez dans vn autre temps
Allant au palais d’Orleans,
Ie vous iure par ce Burlesque
Qu’vne meschante soldatesque
Iure tous les iours par sa foy
De vous couper ie ne sçay quoy,
Qu’on coupa iadis à vn autre
D’vn pays fort voisin du vostre
Et qui mesme estoit ce dit-on
Vn peu de meilleure maison.
Les femmes sont encor en vie
Qui de vous traitter ont enuie
Comme Conchino Conchini,

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Iuste Prime à Mazarini.
C’est pourquoy si vous estes sage
Allez faire vn petit voyage
Iusqu’au climat Sicilien
Si mieux n’aimez l’Italien
Que deuez aimer dauantage
Car il me souuient d’vn passage
Qui dit que le cœur, & l’argent
Vont tousiours ensemble logeant.
Vous respondrez, qu’auez en France
Encor beaucoup plus de cheuance,
Et que derechef partis, & prests
Doiuent grossir vos interests ;
Mais c’est iustement l’encloüeure,
Et c’est pour vous à la malheure
Que pour empescher tels desseins
Paris en veut venir aux mains,
On criera tousiours guerre, guerre,
Si vous ne quittez cette terre
Et nous serions soudain d’accord
Si vous estiez absent ou mort.

 

 


Ainsi donc par vos limonades
Par vos excellentes pommades
Par la bonne odeur de vos gands
Par le mouuement de vos glands
Par vostre petite calote
Par vostre teste vn peu falote
Par les singes que tant aimez
Qui comme vous sont parfumez,
Par les belles Mazarinettes
Par toutes les Marionettes
Par la robe des Theatins
Par les grands Manes Iacobins
Par Botru, par Tubeus, Lopes
Par les masses, & par les topes
Par point, sequence, & par fredon
Par tout ce que vous trouuez bon
Par tout ce que dire ie n’oze
Ny dans les vers, ny dans la prose,
Sur tout par la feste des Rois
Par vn Blocus depuis deux mois
Par la cherté de la farine
Par la crainte de la famine
Par la perte de nos traffics
Par la reforme des tarifs
Par la discorde des deux freres ;
Enfin par toutes nos miseres
Dont nous gardons le souuenir
Allez sans iamais reuenir.

 

FIN.

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