Anonyme [1650 [?]], LE TE DEVM GENERAL DE TOVS LES BONS FRANCOIS. Sur la prise de Messieurs les Princes. , françaisRéférence RIM : M0_3756. Cote locale : B_6_16.
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LE TE DEVM
GENERAL
DE TOVS LES BONS FRANCOIS.

Sur la prise de Messieurs les Princes.

LE ROY.

IE ne fus iamais plus satisfait, que lors qu’on me vint dire
qu’on auoit arresté le Prince, & tous ceux de sa cabale. La
ioye que cette nouuelle me donna, ne se sçauroit exprimer,
tant elle est extreme. Ce qui va pourtant donner de
l’estonnement à toute l’Europe. Mais quelle sçache que ie
veux regner en paix, & que ie ne sçaurois souffrir que qui que
ce soit apporte du desordre en mes affaires. A l’exemple de
Dauid, ie veux éloigner de ma persõne tous ceux que ie sçauray
estre d’vne vie pernicieuse. Leurs exemples peruertissent
le Prince qui les souffre, & le disposent à toute sorte de cruautez
& de barbaries pour le rendre odieux à Dieu & aux hommes.
Tellement qu’il n’y a eu mal-heur depuis mon regne
dont ces gens-là n’ayent esté les instrumens, ny precipice où
ils n’ayent ietté ceux qui se laissoient aller à leurs caprices. Ils
nous pensoient tẽdre des pieges & deceuoir nostre credulité :
mais Dieu qui protege les innocens, & qui punit les coulpables,
les à fait choir du faiste de leurs desseins en l’abisme de
nos disgraces : car il prend plaisir de détruire les propos des
hommes pernicieux, & d’humilier ceux qui brassent des laschetez
à leur Seigneur & à leur maistre. Leurs paroles estoiẽt
des blesseures secretes en la personne de ceux qui leur prestoient
l’oreille, veu qu’ils ne parloient iamais que pour tẽter
ou pour seduire. C’est pourquoy loüons le Seigneur de nous
auoir dessillé les yeux, & de nous auoir inspirez à nous en saisir,
pour les mettre en lieu de seureté, pour les empescher
d’executer les funestes desseins qu’ils auoient conçeus & contre
l’Estat, & contre nostre personne.

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LA REYNE.

Mon ame magnifie le Seigneur, & mon esprit s’éioüit au
Dieu de mon salut, qui à sait le Ciel & la terre : Car il a eu esgard
à la bassesse de sa seruãte, & pour cela tous les siecles me
diront doresnauant bien-heureuse. Le Seigneur tout-puissant
à fait de grandes choses en moy, & son nom est sainct, d’vne
saincteté incõprehensible. Sa misericorde se continuera de lignée
en lignée vers ceux qui le craignent & qui le reuerent. Il
a monstré la force de son bras : & il a dissipé les pensées & le
conseil des meschans, des orgueilleux, & de mes aduersaires.
Il a maintenu le Roy en son thrône, à la confusion des libertins
& des impies. Il a comblé tout l’Estat de benedictions, &
il a humilié ceux qui ne trauailloient qu’à sa perte. Il a pris le
Roy en sa protection, & il a eu souuenance de ses promesses
& de ses misericordes, ainsi qu’il l’auoit fait esperer au feu
Roy d’eternelle memoire. Retirez-vous donc de moy vous
tous qui faites estat d’iniquité : car le Seigneur a exaucé la voix
de mes pleurs : le Seigneur a ouy ma priere : le Seigneur a receu
mon oraison. Que tous mes ennemis, ayent hõte & soient
grandement troublez ; puisqu’il nous à si bien assistez de ses
graces. Le Seigneur regne, que toute la France s’en éioüisse,
& que tous ses peuples en meinent liesse. Ses gardes sont autour
de luy, & la Iustice & l’equité sont le fondement de son
thrône. Le feu ira deuant sa face pour reduire tous ses ennemis
encendre. Ses foudres ont éclairé sur la terre, & le peuple
la veu, & en a tremblé. Vous iustes esioüissez vous au Seigneur,
des merueilles qu’il a faites en faueur du fils Aisné de
son Eglise. Ouy mon Dieu-donné, ceignez vostre espée à vostre
costé, & poursuiuez vos entreprises auec toute prosperité.
Regnez heureusement sur vostre peuple en paroles de verité,
de clemence & de Iustice, & Dieu détruira vos ennemis,
& vous conduira à des choses admirables. Vos fléches aiguës
penetrerõt iusques au cœur des meschans, & les peuples s’humilieront
deuant vostre face. Aimez la Iustice & fuyez l’iniquité :
parce que Dieu vous a sacré d’huile de liesse, plus excellemment
que tout le reste des autres Princes. Les filles &
les femmes des Roys sont aux lieux plus honorables de vostre
Palais Royal, & ie suis à vostre dextre pour veiller au salut de

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vostre Personne. Loüons donc le Seigneur, de nous auoir liurez
nos ennemis, & de les auoir mis en estat de ne vous pouuoir
pas nuire.

 

MONSIEVR LE DVC D’ORLEANS.

Il faut estre nay Prince, & d’vne race tres-illustre, pour
auoir l’honneur d’approcher le Roy si librement que vous faisiez,
& si il faut encore estre tres-vertueux, & tres-expert aux
Ciuilitez & aux defferences, & non pas estre altier, arrogant,
& imperieux, comme ce Prince qu’on a mis au Bois de Vincẽnes.
Il se trouue fort peu des Souuerains qui soient vicieux
de leur propre mouuement, s’ils ne sont de sa constitution &
de sa naissance, ou si quelqu’vn de ceux qui les abordent ne
les y portent. Il ne deuoit pas tãt regarder aux hõneurs qu’on
luy faisoit, comme il deuoit regarder à ses propres merites :
Car les loüanges qu’on luy donnoit sans les auoir meritez, luy
reprochoient ses deffauts, & le portoient à des vanités qui le
rendoient odieux à Dieu & aux hommes. Il est vray qu’on luy
rendoit les mesmes honneurs qu’on auroit renduës aux plus
vertueux de tous les hommes : Mais ce n’estoit qu’à cause que
nous luy faisions l’honneur de l’appuyer, & de le souffrir pres
de nostre Personne. C’est pour quoy les Roys doiuent bien
obseruer ceux qui les approchent, & voir quels ils sont, &
quels ils y ont esté, de peur qu’ils ne mettent pas leur honneur
en compromis, ny leur personne en desordre. On ne se
doit iamais conseiller des moyens qu’il faut tenir pour bien
regir vn Estat selon Dieu, ny auec vn impie, ny auec vn Athée.
L’iniustice ne nous sçauroit iamais prescher que l’iniustice.
Vn lasche ne sçauroit faire que des actions de lascheté, & vn
ingrat ne reconnoistra iamais les biens & les honneurs qu’on
luy aura faites, que d’vne erernelle ingratitude. Enfin ceux
qui n’ont aucune verité en leurs paroles, qui ne visent qu’à
broüiller les affaires, qui conferent auec l’Estranger, & qui
negocient dans l’Estat les moyens de se mettre la Couronne
sur la teste, ne valent rien ny pour le Roy, ny pour le Peuple.
C’est pour quoy nous pouuons dire ensemble, Te Deum laudamus :
te Dominum confitemur, de l’auoir preuenu, & de l’auoir
reduit aux termes de changer de vie.

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L’ESTAT.

Loüons Dieu mes chers enfans, de nous auoir deliurez de
peril où la malice des pernicieux & funestes nous alloit precipiter,
sans aucun espoir de misericorde. Ne nous fions point
iamais aux meschans ny aux fourbes, car il n’y a point de salut
pour personne. Leur esprit tousiours diuisé ne songe qu’à la
terre : mais le bon Dieu les à dissipez & toutes leurs funestes
entreprises se sont reduittes en fumée. Bien-heureux sont
ceux ausquels le Dieu de Iacob sert de protection, & desquels
l’attente est de l’Eternel qui a fait le Ciel & la terre. Bien-heureux
sont ceux qui vont tousiours le droict chemin, & ausquels
il n’y a point de malice ny de fourbe. Bien-heureux sont
ceux qui donnent nourriture à ceux qui ont faim, & qui ne
songent point à piller leurs freres. Le Seigneur deliure ceux
qu’on vouloit oppresser, & le Seigneur donne lumiere à ceux
qu’on vouloit aueugler, par vn nombre infiny de blandices.
Le Seigneur releue les humiliez, & le Seigneur abaisse les tyrans
& les impies. Le Seigneur protege l’innocent, & le Seigneur
fauorise le iuste. Le Seigneur prend en main la veufue
& l’orphelin, & le Seigneur les fait regner par dessus leurs
aduersaires. C’est pourquoy Souuerain Eternel, source des
plus saints desirs, origine des plus iustes conseils, & principe
de toute sorte de beatitude, faite leur la grace de les conseruer,
& d’empescher que leurs ennemis ne puissent plus
prendre la campagne : car leurs desseins sont pernicieux,
& leur liberté tres-dangereuse. Architophel ne fut pas plus
funeste à Dauid, que ce Prince le seroit à sa Maiesté, s’il tenoit
la campagne : mais Dieu qui nous a donné ce Souuerain
dans nos plus grandes necessitez, luy enuoyroit vn milion de
Chusais, pour faire perir ce miserable. La haine qu’il s’est acquise,
l’empeschera de prosperer, & le tiendra plus bas qu’vn
esclaue. Personne ne s’oseroit fier aux promesses des meschans,
n’y aux suscitations des fourbes. Mais qu’ils sçachent,
comme dit fort bien le Sage, qu’ils se ruinent eux-mesmes par
leurs propres conseils, & leur conscience est tousiours tremblente.
Leur condemnation est escrite du doigt de Dieu sur le
paroy, & ces Balthazars & ses Satrapes, ne sçauroient euiter
leur perte. Leurs sacrifices sont abominables au Seigneur, &

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leur esprit croit estre plus heureux en seruant le Prince de la
nuict, qu’en seruant celuy qui nous a donné l’estre. C’est pourquoy
loüons le Sauueur qui nous a rachetez par son sang precieux,
de nous auoir de liuré de ses entreprises. C’est à cette
heure que nos cœurs seront tout à fait portez à l’obseruance
de ses Commandemens sans estre inquietez, & qu’exempts
de toute sorte de crainte, veu que les ennemis de l’Estat &
de la Patrie sont arrestez, nous pourrons passer cette vie auec
quelque espece de tranquillité, sous la garde du Souuerain
Eternel, & sous la conduite d’vn si bon Monarque que le
nostre.

 

LA FRANCE.

Estant en des extremes calamitez, i’ay crié à vous Seigneur,
du plus profond de mon cœur, afin de vous supplier tres-humblement
d’exaucer mes plaintes, & afin que vos oreilles
fussent attentiues à la voix de mes prieres. Quand vostre Diuine
Maiesté ramena le Roy dans Paris, ie fus toute consolée
comme si le passé n’eust esté qu’vn songe. Lors ma bouche fut
remplie de ioye, & ma langue de liesse. Lors toutes les nations
de la terre disoient que vous faisiez de grandes choses
pour cet Estat, & pour vne Monarchie qui vous a esté tousiours
plus considerable que pas vne de toutes les autres : mais
auiourd’huy vous n’auez pas moins fait pour mon bien & pour
mon repos, de m’auoir de liurée de la main du tyran & de l’impie.
Vous auez reduit ces Denys, ces Busires & ces Agathocles,
comme vous reduisites les torrens aux pays des grandes
secheresses. Et vous auez renfermé tous nos malheurs dans
vne autre boëte que celle de Pandore. Ceux qui ont autrefois
semé en pleurs, moissonnent maintenant en liesse : & cela a
esté fait ainsi par vostre saincte misericorde, afin que ceux qui
font toutes choses comme s’ils ne croyoient pas en vous, soiẽt
confus, par le moyen des graces qu’il vous a pleu me faire.
Les simulachres sont des ouurages faits des mains des hommes :
ils ont vne bouche & ne parlent point, ils ont des yeux
& ne voyent pas, ils ont des oreilles & n’entendent point, ils
ont des narrines & n’odorent point, ils ont des mains & ne
tastent pas, ils ont des pieds & ne marchent point, & ils ont
vne gorge & si ne crient pas. Que ceux qui me voudront persecuter

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d’oresnauant soient semblables à ces idoles, & tous
ceux aussi qui se confieront en leur vertu & mesme en leur
puissance. Mon peuple a tousiours esperé au Seigneur, & sa
diuine bonté a tousiours aussi esté leur gloire & leur deffense.
Le Seigneur Dieu l’a tousiours eu en sa memoire, & si il a pris
soin de le benir de sa propre bouche. Ie suis benite du Seigneur
entre toutes les montagnes de la terre. Seigneur Dieu,
les morts ne vous loüeront pas, & moins encore ceux qui descendront
aux enfers : mais moy & mes peuples qui viuons, &
qui vous auons tant d’obligations de nous auoir deliurez
d’vn esprit à faire tout perir pour m’auoir, sommes obligez
de vous benir iusques à la fin des siecles.

 

PARIS.

Nous vous loüons adorable Sanctificateur de ces ames, de
nous auoir fait des graces que nous attendions auec des impatiences
qui n’en eurent iamais de pareilles. Les Israëlites
vous loüerent bien de les auoir deliurez des mains des Madianites.
Le diuin Apostre sainct Paul vous loüe bien de l’auoir
sauué de la gueule du Lion, les trois Enfans vous loüerent
bien pour les auoir tirez de la fournaise, & Paris ne vous
loüeroit pas de nous auoir de liurez de la tyrannie du Prince.
Oüy, Seigneur, ie vous dois loüer eternellement de m’auoir
sauuee des mains de celuy qui me vouloit forcer, & qui se
promettoit de me reduire en cendre. Oüy, Seigneur, ie vous
loüeray à iamais auec toutes les creatures visibles & inuisibles,
raisonnables & spirituelles, qui sont au Ciel, sur la terre,
& sous cette masse seconde, autant de fois qu’il y a d’indiuidus
en la nature, de m’auoir mise à couuert des funestes
reuers des impies. Loüez-le, Courtisans celestes, loüez-le
esprits Angeliques, loüez-le toutes ses puissances, loüez-le
troupes Astrées, loüez-le demeure eternelle, loüez-le peuples
terrestres & aquatiques, d’auoir mis mes ennemis en
estat de s’humilier, & de ne me pouuoir pas nuire. Oüy, souuerain
principe de tout l’estre creé, ie vous confesse comme
Seigneur eternel & independant, & qui peut tout ce qu’il
lui plaist en faueur de ses creatures, de m’auoir mise au dessus
de mes aduersaires. Ie vous confesseray de tout mon cœur,
parce que vous auez oüy les paroles de vostre pauure Cité, &

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parce que i’ay aussi entendu toutes les vostres. Ie chantera y
deuant les Anges, i’adoreray en vostre saint Autel, & ie beniray
vostre Nom, parce que vous auez exaucé les supplications
que ie vous ay faites. Ouy, Seigneur, ie vous confesseray
de toute mon ame, au conseil & en la congregation des
iustes : car vous auez fait de grandes choses pour vne Ville
qu’on vouloit piller, & qu’on vouloit aprés cela reduire à
neant, pour se venger de l’outrage qu’elle auoit commis de
n’auoir pas voulu souffrir sa perte. Confession & magnificẽce
se trouueront en ce bien-fait, Seigneur, iusques à la fin des
siecles. Aussi estes-vous contre le sentiment de ces esprits
abominables, celuy en qui les hommes & les Anges doiuent
esperer, & mettre toute leur confiance.

 

LE LANGVEDOC.

Non seulement toute la France : mais encore toute la terre
habitable vous honorera, Seigneur, en reconnoissance de
tant de graces que vostre Diuine bonté a voulu faire à cette
pauure Prouince. Aussi ne faites-vous rien pour l’homme que
pour en estre honore, parce que toutes vos actions ne visent
qu’à nostre profit & à vostre gloire. Mais ce qui est plus à vostre
honneur doit estre fait le premier & preferé à toute autre
chose. C’est pourquoy vous auez voulu assujettir tout ce qui
est, à vostre cher Fils IESVS-CHRIST, afin que tout ce
qui est, vous pût honorer en sa personne. Il n’y a rien dans le
monde qui ne presche les faueurs qu’il vous a pleu faire à
chaque estre. Le Ciel vit que vous l’auez fait tel qu’il est : le
Soleil nous apprend que vous l’auez mis au monde : la Lune
monstre au silence de la nuict qu’elle est vostre creature : le
reste des Astres font bien voir que vous les auez formez : les
espaces de l’air nous preschent vostre iminensité : la terre fait
bien paroistre que vous estes vn Dieu : la Mer son principe :
les abysmes leur autheur : & tout le monde ensemble marque
bien qu’il est l’ouurage de vos mains sacrées. Les Cieux,
dit Dauid, racontent vostre gloire pour vous honorer, & ces
cercles tousiours roulans publient incessamment la grandeur
de vos merueilles. De sorte qu’il n’y a rien dans le monde qui
ne vous reuere, ou qui ne vous doiue reuerer comme Pere
eternel de toutes choses. Cela estant, il me semble que ie suis

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du nombre, & que ie suis aussi par consequent obligé de m’acquiter
dignement des graces qu’il vous a pleu me faire, en
faisant mettre le Prince au Bois de Vincennes, auec tous ses
complices.

 

LA GVYENNE.

C’est à ce coup icy, que ie chanteray de bon cœur, Te-Deũ
laudamus : te Dominum confitemur, puisque celuy qui fomentoit
nos malheurs est arresté, & priué de mettre en proye tout le
reste de la France. Ha ! Demon prodigieux, furie infernale,
à quelle fin est-ce que tu voulois perdre tant d’ames pour
mettre l’Estat en compromis, & ruyner les affaires de celuy
qui te peut oster la vie sans iniustice. Ha ! tyran insigne, qui
ne faisois que te repaistre du sang humain, & qui portois le
poignard dans le sein de celle qui t’a dõné la vie ; songe maintenant
à ta conscience si tu en as, & croy que Dieu ne laissera
rien d’impuny, & qu’il te fera rendre conte de tous tes crimes.
Est-il possible que la France ait produit des hommes,
qui ne veilloient qu’à perdre leur Patrie ? est-il possible que la
France ait donné l’estre à des si effroyables impies. Combien
d’hommes massacrez, combien de femmes violées, combien
d’hommes massacrez, combien de femmes violées, combien
de familles ruynées, combien de maisons brûlées, combien
de sacrileges, & combien d’impietez, pour assouuir ton ambition
& ta rage. Mais qui plus est, combien de pertes d’ames,
qui n’auoient pas moins cousté à Iesus-Christ que le reste
des hommes. Ozeras-tu iamais t’approcher de Dieu, pour
luy rendre cõpte de toutes tes actions passées : & crois-tu
qu’il vienne encore vne fois pour toy seul mourir en Croix,
pour te racheter de tous les crimes. Esperois-tu en portant
ceux qui gouuernent les affaires à ruyner le peuple, & en dõnant
au peuple vne mauuaise impression de leur Prince, te
mettre la Couronne sur la teste. Croyois-tu auoir assez d’esprit
pour abuser tant de clairs-voyans, & assez de bon-heur
pour reüssir à toutes tes abominables entreprises. Croyois-tu
auoir donné tant de terreur à ceux qui sont au dessus de toy,
qu’ils n’oseroient pas mesme faire semblant de connoistre, ny
de se plaindre de tes deportemens, quand mesme tu les aurois
faits à leur presence. L’ambition & la presomption sont
cause de ta perte. Apprends donc à te connoistre là où tu es,

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cepandant que nous nous resiouïront de tes disgraces. Ie croy
que tu auras assez de temps pour cela, si Dieu te preste vne
vie qui ne te sera pas moins funeste qu’ennuyeuse.

 

LA PROVENCE.

Oüy, Seigneur, non seulement toutes les Hierarchies Celestes,
qui sont les Anges, les Archanges, les Principautez,
les Puissances, les Vertus, les Dominations, les Throsnes,
les Seraphins, & les Cherubins, vous doiuent appeller trois
fois Saint : mais encore tous les plus incredules habitans de
ceste Monarchie Françoise, si cas est qu’il y en ait quelques
vns qui soient tachez d’vne vie si abominable. Oüy, Seigneur,
vous estes le seul Sainct des Saincts, voulant estre adoré pour
cela, & ne pouuant pas souffrir qu’on rende ce qui vous appartient
qu’à vous mesmes. Aussi estes-vous ce Dieu jaloux,
qui ne veut pas que sa gloire soit manifestée qu’à sa propre
personne. Oüy, Seigneur, vous estes ce Dieu qui contre le
sentiment de quelques mal-heureux impies, nous auez sauuez
de leurs lacs & de leus embusches, afin d’establir vne
paix vniuerselle dans toute ceste Monarchie. O ! saincte & sacrée
Trinité faites nous la grace de nous la conseruer le reste
des siecles, en dépit de celuy qui trauailloit à nous perdre.
Vous lisez bien dans nos cœurs Pere, Fils, & Sainct Esprit, les
vœux que tous mes enfans vous font, pour la retention de ces
ames de bronze. Conseruez-les de grace entre quatre murailles,
iusques à ce que l’eternelle les tire de là pour leur demander
compte de tous leurs actions passées. Vous sçauez biẽ
auec qu’elle passion nous taschons de pousser ces souhaites,
iusques dans le sein de vostre generation eternelle. Oüy, production
infinie, c’est vne supplication qui part de nos cœurs,
auec vn zele incomparable.

LE DAVPHINE.

Les cieux & la terre sont pleins de la Maiesté de vostre gloire,
souuerain Seigneur de toute la nature crée. Elle est en la
nuée, ainsi que nous l’apprend ce digne conducteur des legiõs
Hebraïques : elle est en la Montagne de Sina, comme vn feu
tres-ardent : elle est sur le toict de l’Alliance aux Israëlites :
elle remplit le temple & le Tabernacle qui vous ont esté consacrez
& maintenant toute nostre Prouince se void tellement

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comblée, par la prise du Prince, qu’il n’est rien au monde de
semblable. C’est vn coup que vous auez voulu faire pour nostre
salut, afin que toute la gloire vous en soit attribuée. Aussi
rien ne se peut faire sans vostre concours, ny sans vostre
grace. Gloire vous en soit donc renduë, grand Dieu des armées,
iusques à la consommation de toute la nature perissable.
Les Cieux dit Dauid manifestent la gloire du Seigneur, &
l’estenduë d’en-haut monstre quel est l’ouurage de cét Artisan
inimitable. Nous pouuons bien dire à l’imitation de ce
grand Prophete, que la prise de ceux qui troubloient l’Estat,
ne la manifeste pas moins que le reste ; puis que c’est vne actiõ
d’où dépendoit tout le salut de cette Monarchie. Sous portez
d’vne paix generale ouurez-vous, la cause de tous nos malheurs
est prisonniere. Quelle est cette cause de tous nos malheurs ?
C’est vn esprit remuant, c’est vn esprit ambitieux, c’est
vn esprit libertin, c’est vn esprit altier, c’est vn esprit de Diagoras,
& de Theodorus, tout propre à perdre l’Estat, si son
maistre le vouloit croire. Enfin ce seroit vn autre Ælius Sejanus
s’il trouuoit la facilité d’vn Tybere, dans la conduite d’vn
Dieu-donné à ceste Monarchie Françoise. Mais ioüons Dieu
cependant que ce Conquerant inimitable s’en ira enleuer Damiette
aux Mamelus, prendre le grand Caire, assuiettir Biserte,
forcer Constantinople, & reduire tout le pays des infidelles
à son obeissance dans le bois de Vincennes.

 

LA BRESSE.

Que la glorieuse compagnie des Apostres vous loüe Dieu
d’vne bonté infinie de nous auoir deliurez de la cause de tous
nos mal-heurs, & de nous auoir conferé tant de graces ; puis
que nostre insuffisance ne nous permet pas de nous en acquiter
dignement, comme il le faudroit faire. Que le loüable nombre
des Prophetes vous en reuere, puis que toute l’industrie
de nostre esprit, se trouue incapable d’vn si digne office. Que
tous les resplandissans exercices des Martyrsvous en glorifiẽt ;
puis que nostre entendement ne sçauroit arriuer à vne reconnoissance
si genereuse que celle qu’on vous deuroit faire.
Neantmoins Seigneur, nos levres ue laisseront pas de vous
loüer de ce digne bien faict le mieux qu’il nous sera possible.
Le Roy s’esiouira en vous grand Dieu, & tous ceux qui iureront

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en son nom, se glorifieront en luy : car ses ennemis son
découuerts & arrestez, & la bouche de ceux qui en parloient
mal, sera close. Tous les Peuples vous en loüeront : car vous
iugez les gens en equité Seigneur, & vous punisez les criminels
& les abominables. Loüez cette adorable bonté, des graces
qu’il luy à pleu de nous faire : Esprits bien-heureux, qui
viuez dans vne felicité parfaite. Loüez-le Ciel, terre, mer, &
tout ce qu’il y a des Estres en la Nature crée, de la Clemence
dont il a vsé enuers ses creatures. Sa gloire est par dessus le
Ciel, & ses graces sont incomprehensibles. Loüons-le en ses
Saints lieux, & en l’étenduë de nostre force. Loüons-le en
ses puissances & selon son extreme grandeur. Loüons-le en
son de trompe, de Psalterion, de harpe, de tambour, de haut-bois,
de violes, d’orgues, & de cymbales de iubilation, de ce
qu’il a lié les mains aux ennemis de cette Couronne. Loüons
le Dieu de Iacob : Car sa misericorde est abondante sur nous,
& sa verité demeurera de siecle en siecle, depuis le commencement
des temps, iusques à la fin du monde. Le nom du Seigneur
est digne d’estre loüé, d’auoir exaucé les prieres que
nous luy faisions, & d’auoir détruit le conseil des fourbes &
des sangsuës.

 

LA BOVRGONGNE.

Bon Dieu, falloit-il que nous eussions vn Gouuerneur si
outrageux à son Souuerain, & si funeste à sa Patrie. Certainement
les Princes ne doiuent iamais rien entreprendre, sans
bien examiner leurs desseins en particulier, & sans bien consulter
leur conscience. La gloire de Dieu & l’interest du Peuple
doiuent estre les principaux conseillers de leurs affaires ;
& ainsi conduits du saint Esprit, ils ne sçauroient faillir en façon
quelconque. Enfin ils doiuent estre tels en leurs resolutions
& en leur conduite, qu’ils voudroient estre au iour qu’ils
seront iugez eternellement, par celuy qui leur fera rendre
compte iusques à la moindre de leurs pensées. Ainsi ils obligeroient
tout le monde à les cherir, & a bien dire de leur personne.
Celuy qui méprise la crainte du Seigneur, ruine sa prosperité,
& se met au nombre de ceux qui sont reprouuez de
l’Euangile. Dieu les consomme en vn moment, & ils s’esuanoüissent
comme vn songe ; & par sa prouidence eternelle il

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retranche leur vie au milieu de leurs iours, & les precipite au
centre de ses disgraces. Au contraire ceux qui sont francs de
crainte & de blasme ; qui sont iustes & incorruptibles, dont
les effects de la colere ne s’exercent iamais que contre les ennemis
de l’Estat ; qui sçauent pour le bien du Souuerain gagner
l’amitié du Peuple ; qui donnent le mesme conseil à leur
Prince qu’ils voudroient receuoir pour eux, & qui font vn
pareil examen de leur conscience, que s’ils se confessoient à
Dieu ; ceux-là veritablemẽt sont dignes d’estre reuerez auec
des passions extraordinaires. Mais ceux qui pour paruenir à
leurs fins interessées comme nostre Prince, & qui s’abandonnent
à toute sorte d’iniquitez, meritent vn chastiment exemplaire.
C’est pour quoy nous deuons loüer le Seigneur, qui à
pris le soin de dissiper ses projets, & de l’empescher de nous
nuire.

 

LA NORMANDIE.

Oüy, Seigneur, la sainte Eglise vous confesse & vous confessera
par toute la rondeur de la terre, d’auoir tourné les
yeux de vostre misericorde, sur le déplorable estat où toute la
France se voyoit reduite. Ouy, Seigneur, nous vous confesserons
auec elle de tout nostre cœur, au conseil & en la congregation
des iustes. Ouy, Seigneur, nous vous confesserons de
toutes les puissances de nostre ame, parce que vous auez ouy
nos supplications, durant que ie me voyois à la veille d’estre
reduite en vne extreme misere, par les funestes manaces des
Princes que vous auez humiliez pour nostre gloire. Ie chanteray
vos insignes faueurs deuant les Anges ; ie vous adoreray
en vostre saint Temple : & ie confesse ray hautement par tout,
la grandeur de vostre Sagesse & de vostre conduite. Exaucez
moy mon Dieu au iour que ie vous inuoqueray : car i’ay plus
besoin de vostre secours, que pas vne autre, de toutes les Prouinces
de France. Vous me viuifierez Seigneur, si ie chemine
dauantage au milieu des tribulations : & vous étendrez vostre
main sur vos ennemis, afin de leur monstrer que ie suis en
vostre sauue-garde. Ie croy fermement que vous ne laisserez
pas de faire pour nous, ce que vous faites tous les iours pour
des peuples ingrats, & pour des ames perfides. Vous nous
auez desia donné vostre cher Fils pour nostre salut, vous nous

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donnerez donc bien encore la paix pour nostre repos puis
que c’est vne faueur de moindre importance. Vous auez dit,
qu’il ne falloit que croire pour estre bien-heureux, & pour
auoir de vostre diuine Majesté, tout ce qu’on sçauroit desirer
de vos graces. Faites donc, s’il vous plaist, que ces perturbateurs
du repos public, ne puissent iamais auoir la liberté de
de nous nuire. Saint Matthieu nous asseure que toutes choses
sont possibles à ceux qui auront autant de foy, que peut contenir
de grosseur vn grain de moustarde. Si cela est comme il
n’en faut point douter, ie veux viure en repos, & croire fermement
que le Bois de Vincennes ne s’ouurira iamais pour
leur sortie, si quelque furie infernale ne se met à trauerser
nos affaires.

 

LA PICARDIE.

Pere de Majesté immense, venerable & vnique Fils du
Tout-puissant, & vous Saint Esprit Consolateur des bonnes
ames, faites nous la grace de conseruer ces mal-heureux perturbateurs
du repos public, dans la condition qu’ils se sont acquise
par leur mauuaise vie. Nous auons souffert tant de
maux depuis le commencement des guerres, que ie tremble
encore au seul souuenir de ces pensées. Loüanges infinies
vous soient renduës, Dieu de paix & de misericorde, d’auoir
inspire les moyens à nostre bon Roy, de mettre cét Estat dans
vne tranquillité publique. I’ay esté presque tousiours le refuge
des legions estrangeres & domestiques. Tout mon peuple
est ruiné, tous mes Autels sont démolis, & toutes mes maisons
rasées : Si bien que ie suis aux abois, si vous n’auez pitié
de cette pauure affligée. Mais ie me confie en vostre misericorde
Seigneur, & en la grace que vous nous ferez de tenir
estroitement enfermez, ces pestes du gente humain, dans les
lieux où l’on vient de les mettre. Quel sacrifice digne de ce
bien-fait vous sçaurions nous rendre, souuerain Sauueur de
nos ames, en reconnoissance d’vn si grand benefice. O capture
qui comblez nos esprits de douceur : O saisie qui tiendrez
toute la France dans vne parfaite harmonie : O hardie entreprise
qui nous donnerez vne felicité sans pareille : O coup d’Estat
inimitable, qui sçauez si dignement apuyer l’autorité du
Souuerain ; que nous auons de l’obligarion à celuy qui vous a

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donné l’estre. Charité increée deliurez nous de leurs conspirations,
& de la rage de ces engeances. Et vous digne Oingt
du Souuerain eternel ; illustre puissance qui ne releuez que de
la sienne, faites-nous la grace de les conseruer là de dans iusques
à la fin de leurs iours, ou bien de leur rendre iustice selon
l’enormité de leurs crimes : Et nous vous promettons deuant
Dieu & deuant les hommes, de vous benir eternellement, &
de prier tous les iours pour vostre santé, & pour la prosperité
de vos armes, contre toutes les forces Estrangeres.

 

LA CHAMPAGNE.

Ouy, Sauueur de nos ames, vous estes ce Roy de gloire,
qui doit iuger les viuans & les morts, & qui doit rendre à chacun
ce qui luy appartient auec iustice. Ouy, digne Reparateur
de toute la nature humaine, vous estes le Fils Eternel du Pere,
qui de sa seule volonté, a donné l’estre à toutes les choses.
Ouy, veritable, Isaac, vous n’auez point eu en horreur
de vous incarner dans le ventre d’vne vierge sans macule ; &
qui sert de refuge à toutes les ames pecheresses, afin de nous
deliurer de l’esclauage où nous estions sousmis, par la faute
de nostre premier Pere. C’est pourquoy nous vous supplions,
adorable Redempteur de tout l’estre mortel & raisonnable,
de dissiper le conseil des meschans, & de les tenir si bien attachez,
qu’ils ne puissent iamais nuire à personne. Maintenez
nous Seigneur dans vne parfaite vnion, & dans l’amour paternel
de nostre souuerain Prince. Comme Fils du Pere Eternel,
& comme Dieu consubstantiel à ce souuerain incomprehensible,
toutes choses vous sont faciles ; puis que le pouuoir ne
sçauroit estre separé de l’estre independent, & que l’vn &
l’autre sont vne mesme en vostre personne. Ne nous deniez
donc pas cette grace, ie vous en supplie. Le desordre où ie me
trouue encore à present, m’oblige à vous faire cette demande
du meilleur de mon ame, auec des empressemens incroyables.
Vostre bõté & vostre misericorde sont d’vne nature infinie :
de sorte que la requeste que ie vous faits, auec vne passion
tres-zelée, ne sçauroit estre qu’elle ne vous soit agreable &
bien aisée ; puis qu’elle est comprise de celuy qui comprend
toutes choses. Quoy, Seigneur, ne faites vous pas tout ce
qu’il vous est possible pour vostre gloire ? La grace que nous

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vous demandons, en fait vne partie, Sauueur de nos ames, &
c’est à quoy nous visons de tout nostre cœur, pour vous satisfaire.
Rendez donc mon Dieu à chacun ce qui luy appartient,
comme vous commandez à toutes vos creatures de le faire, &
vous nous obligerez à benir eternellemẽt vostre sainct Nom,
& à vous rendre des graces infinies. Rendez donc mon Dieu
la prison de ces criminels, d’vne nature inuiolable, afin que
vos pauures peuples puissent viure plus heureusemẽt en paix,
en vostre amour, & en vostre sainte crainte, iusques à la fin
du monde.

 

LA BRIE.

Vous qui auez vaincu l’aiguillon de la mort, & qui auez ouuert
le Royaume des Cieux aux croyans, adorable Sauueur
de nos ames, faites nous la grace de vaincre non seulement
les menées & les trauaux de ces esprits de discorde, qui ne
songent qu’à semer de la zizanie entre le Prince & le peuple :
mais aussi de les tenir où le Roy les a fait mettre, iusques à ce
que Dieu les enuoye querir pour comparoistre deuant le tribunal
de sa saincte & sacrée iustice. Ouurez nous le sein de
vostre diuine misericorde, afin que la paix qu’il vous a pleu
nous donner, soit d’vne eternelle durée. Chassez de cét Estat
toutes les furies infernales qui leur tendoient la main, & qui
s’estoient consacrez à leurs funestes menées. Ce sont des
Erynnées, qui ne cherchent auec les funestes flambeaux de
leur cruelle ambition, qu’à mettre vne incendie generale, aux
quatre coins de cét Empire. Punissez ces malheureux Alectons
du mesme supplice qu’ils nous vouloient iniustement
faire souffrir, plustost que de leur faire la grace de les garder
si long-temps, aux despens des finances du Prince, & toutes
les posteritez vous loüeront, iusques à la findes siecles. Vous
nous auez desia donné la paix, vous auez redonné nostre Prince
à ces subiects, & vous auez découuert & rompu les trames
des esprits reprouuez, & vostre diuine Maiesté nous fera bien
la grace de nous deliurer de ces engeances Plutoniques. Ce
seroit bien encore pis s’ils estoient eslargis, & qu’ils eussent la
liberté de continuer leurs menées, iusques icy ce n’est rien
que ce qu’ils nous ont fait, au prix de ce qu’ils feroient pour
continuer leur dessein, & pour se vanger contre nous d’auoir

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attenté sur leur personne. La France ne seroit qu’vne victime
qu’ils consacreroient à leurs passions, le glaiue & les feux, tegneroient
sur tout cét Empire, sans aucune esperance de misericorde.
En contemplant vostre estre Seigneur, vous y voyez
comme dans vn miroir vnïuersel, toutes leurs funestes intentions,
puis que vous y voyez non seulement ce qui a esté, ce
qui est, & ce qui sera : mais encore tout ce qui pourroit estre.
Vous y voyez leurs souhaits, & leurs imaginations, par vne
connoissance anticipée. Or puis que cela est Sauueur de nos
ames, & que vostre puissance estant d’vne nature infinie, se
peu estendre sur toutes choses, ne refusez donc pas cette grace
Seigneur à vostre pauure peuple. Nous auons l’honneur
d’estre de vos membres, & comme tels Seigneur, nous vous
supplions tres-humblement de nous soulager en tout ce qui
vous sera possible. C’est vne partie de vous mesme qui
vous fait ces supplications, & qui vous coniure au nom de la
Passion de vostre cher Fils, de la mettre à couuert des outrages
de cette engeance infernale. Iesus Christ est mort pour
les peuples, & non pas pour les tyrans, ny pour les impies.
Vostre iustice est si complaisante à vostre misericorde, qu’elle
fera eternellement vanité de luy ceder quelque chose de tout
ce qui luy est possible. Elle condescendra tousiours aux sentimens
que vous aurez pour la misere des hommes. Faites donc
s’il vous plaist, Seigneur, que nous soyons bien tost deliurez
de ces demons incarnez, & de ces ames de sang ou de bronze,
& apres cela vos Temples & vos Autels seront plus asseurez,
& vos pauures creatures plus libers de vous obeyr & de vous
louër, comme vn Pere plein d’amour & de charité, pour ses
miserables creatures.

 

LE BERRY.

Vous estes assis à la dextre de Dieu, en la gloire du Pere, &
nous croyons que vous estes le Iuge à venir, à qui chacun
sera obligé de rendre compte de toutes ses actions passées. O
Dieu de Majesté infinie ! que ne ferez-vous pas en cette qualité,
contre ceux qui nous vouloient piller, & qui nous vouloient
perdre ? vous armerez vostre main vengeresse de carreaux
& de foudres, pour punir ces abominables esprits dedans
l’eternité des siecles. Oüy, Seigneur, vous visiterez les

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iniquitez de cette race maudite, iusques à la troisiesme &
quatriesme generation de leurs familles. Ce sera alors que le
Ciel & la terre fremiront deuãt vne iustice si redoutable que
la vostre. Ce sera alors que la terreur saisira les plus iustes de
se voir accablez de tant d’iniustices. Ie tremble, Seigneur,
quand ie pense à cette espouuentable voix qui descendra du
Ciel ; sur toute la surface de cette terrestre demeure, & d’aller
promptement oüyr leur Arrest eternel, de la propre bouche
d’vn Iuge qui épluchera iusques à la moindre de nos pensées.
Mais en attendant vne execution si funeste sur des ames si
reprouuées que celles que sa Majesté a fait mettre au Bois
Vincennes, faites-nous la grace, Seigneur, de les toucher de
vostre S. Esprit, ou de les tenir tousiours enfermez, afin qu’ils
ne nous puissent pas nuire : & ainsi vous nous conseruerez la
Paix, que nostre iuste Monarque nous a donnée. N’oubliez
pas aussi, grand Dieu, d’assister nostre Roy d’vn bon Conseil,
de le maintenir dans vne parfaite santé, & sur tout le peuple
& triomphant sur tous ses ennemis & sur tout le peuple
infidelle, afin que vos loüanges & ses conquestes soient d’vne
plus grande estenduë. Apres cela, tout le monde vous honorera
comme Pere eternel, qu’on confessera vostre saint Nom
par tout, que toutes les Hierarchies celestes auront vne plus
generale satisfaction, & que l’Eglise militante sera plus vniuerselle
qu’elle n’est pas pour vous loüer, & pour vous offrir
vn plus grand nombre de Cantiques de gloire.

 

LE LIMOSIN.

C’est à ce coup, Seigneur, que nous vous supplions tres-humblement
de subuenir aux necessitez de vos pauures seruiteurs,
lesquels vous auez rachetez de vostre Sang precieux,
quoy que tres-indignes de ces graces. Vostre pouuoir & vostre
bonté, sont d’vne nature tres-vniuerselle & tres-infinie.
Comme souuerain Seigneur de tout l’estre crée, toutes choses
vous sont possibles : & comme infiniment bon, charitable
& misericordieux, vous ne refusez iamais de nous assister, &
de subuenir à toutes nos necessitez, lors qu’õ vous sçait pieusement
obliger à nous estre propice. Appliquez donc à nostre
profit cette bonté & cette puissance dont vous estes si diuinement

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pourueu, adorable protecteur des ames affligées : dautant
que nous vous en supplions auec toute l’humilité &
toute la ferueur qu’il nous est possible, afin de nous deliurer
des embusches de nos prisonniers d’Estat, & afin de nous
mettre en repos tout-le reste de nostre vie. Cela se fera si vous
l’entreprenez ; puis que vostre seule volonté suffit pour donner
l’estre à toutes les choses. Si vostre volonté est infinie,
comme il n’en faut pas douter, il faut necessairement aussi
que vostre pouuoir le soit, veu que ces deux facultez, ou
pour mieux dire, ces deux attributs ne sont qu’vne mesme
chose, en vostre personne. Vous sçauez les maux que nous
auons soufferts en ces derniers troubles, & vous voyez encore
ceux qu’on nous vouloit faire souffrir, pour assouuir vne
ambition demesurée, qui s’est glissée dans l’esprit du plus abominable
de tous les hommes. Ayez donc compassion de
nos miseres, charitable reparateur de tous nos desordres, afin
que le Roy nous fasse tousiours viure en Paix, & mesme afin
que nous soyons tousiours en estat de chanter hautement vos
graces. Donnez-nous moyen de subsister, Seigneur, dans vn
païs affligé de tous les malheurs du siecle, & vous nous obligerez
à benir vos bontez sans apprehension quelconque, dans
la durée d’vne eternité incomprehensible.

 

L’AVVERGNE.

Faites, Seigneur, que nous soyons admis auec vos Saincts
en la gloire eternelle. Sauuez, Seigneur, vostre peuple, & benissez
vostre heritage. Ne nous abandonnez pas à la passion
de nos ennemis. Conseruez nous le Roy, & nous donnez vne
Paix de longue durée, aprés auoir mis les meschans en lieu
de seureté, & aprés auoir asseuré le Prince & le peuple. Aprés
cela, Seigneur, nous vous loüerons eternellement comme
Dieu, & nous vous honorerons comme Pere & comme Seigneur
de toutes choses. Si vostre Diuine Majesté n’eust esté
maintenant auec nous, la fureur de nos aduersaires nous auroit
peut-estre eugloutis tous vifs, selon la proposition qu’ils
en auoient faite. Ils auroient peut-estre pillé nos Autels, massacré
nos enfans, & reduit tout le pais en cendre. Loüé soit
le Seigneur qui les en a empeschez : Loüé soit le Dieu de Iacob
qui nous a mis en Paix : & loüé soit sa Diuine Majesté,

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qui ne nous a pas donnez en proye à ces tyrans, & à ces ames
peruerses Nostre vie est eschapée des lacs qu’ils nous auoiẽt
tendus, comme celle des passereaux s’eschape quelquefois
des mains des oiseleurs qui les pourchassent. Loüé soit le
Seigneur, qui ne nous a pas abandonnez à la mercy de ces
furieux exterminateurs, & qui nous a sauuez de leurs traits
homicides. Leurs desseins se sont éuanouys, & leurs conspirations
se sont dissipées par leur prise. Beny soit celuy qui les
a fait arrester : Beny soit celuy qui les a arrestez, & beny soit
celuy qui les empeschera de sortir du lieu où le Roy les a fait
mettre. Nostre aide s’est fait au Nom du Seigneur, qui a creé
le Ciel & la terre. C’est maintenant, Souuerain Eternel de
nos ames, que vous auez laissé vostre pauure peuple en Paix,
selon vostre sainte promesse. Vous auez preparé nostre salut
deuant la face de l’Vniuers, pour donner lumiere aux fouruoyez,
& gloire à cette Monarchie. Benissez-le, heureux habitans
de cét Empire, de vous auoir tirez du malheur où tout
l’Estat se voyoit plongé, & d’où toute la prudence humaine
ne nous auroit sçeu guarantir sans vostre assistance. Benissez
vostre heritage, Seigneur, afin qu’il puisse subsister en Paix,
selon vostre sainte misericorde. Benissez-le, troupe Celeste :
benissez-le tous elemens : benissez-le, Vertus, de sa toute-puissance :
Vous Astres flamboyans, pluye, rosée, bruines,
chaleur, froidure, lumiere, tenebres, montagnes & colines,
lacs & fontaines, animaux terrestres & aquatiques, & vous
ames iustes & raisonnables : benissez le Seigneur, qui nous a
deliurez des pernicieux desseins de nos ennemis, & qui nous
a fait la grace de nous regarder de son œil de misericorde.
Sa Diuine bonté veüille que cela soit iusques à la fin des siecles.

 

L’ANIOV.

Gouuernez, Seigneur, vostre peuple, & l’esleuez en sorte
que la tyrannie ne le puisse iamais atteindre. Quoy que i’aye
l’honneur d’estre l’appanage des fils de France, ie n’en suis
pas mieux traitté. L’on me deschire les entrailles, l’on me pille
iusques aux os, l’on me vole les choses plus necessaires, &
l’on me gouuerne comme vne terre conquise par la force des
armes. Mais i’espere que la prise de ceux qui causent tous les

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desordres, nous donner a plus de repos, & qu’elle nous asseurera
pour iamais d’vne Paix tres-desirée. C’est pour quoy,
Seigneur, aprés nous auoir fait la grace d’escouter nos prieres,
i’espere que vous nous ferez encore celle d’empescher
ces meschans de nous iamais plus mal traitter, comme vn
peuple que vous auez dessein de gouuerner continuellement
icy bas, & d’esleuer vn iour la haut dans vne beatitude eternelle.
O Dieu d’vne bonté infinie, nous crions à vous du
profond de nostre cœur, afin que vous prestiez l’oreille à nos
demandes. Depuis la garde du matin, iusques à la garde de
l’autre matin, nous esperons en vostre misericorde. Escoutez
nostre priere, receuez nostre supplication en vostre verité, &
nous exaucez en vostre Iustice. N’entrez point en iugement
auec nous, Seigneur, parce que nul viuant ne sera iamais iustifié
deuant vostre face. L’ennemy nous a persecutez, & nous
a abbatus iusques en terre : mais auiourd’huy, Seigneur, vous
retirez nostre ame de tribulation, & par vostre grace vous
destruirez tous nos aduersaires ; car nous auons fait vœu d’estre
vos seruiteurs, tant qu’il vous plaira de nous maintenir
au nombre des choses. Vous n’estes pas moins misericordieux
que vous l’estiez du temps de nos premiers Peres : c’est
pourquoy nous leuons les mains vers vous, afin d’implorer
vostre assistance, & afin que nos ennemis ne sortent iamais
du lieu où l’on les a mis, que pour nous bien faire.

 

LA XAINTONGE.

Nous vous benissons tous les iours, Sauueur de nos ames,
& nous loüons vostre sainct Nom à iamais, d’auoir fait mettre
nos persecuteurs en lieu de seureté, pour les empescher de
nous nuire. C’est vn miracle, Seigneur, que vous auez fait
pour nostre salut, lors que nous estions sur le bord de perir
sans auoir autre esperance que la vostre. O que nous vous
sommes redeuables ! adorable Reparateur de toute la nature
humaine, d’vne grace si extraordinaire. Que toutes les substances
materielles & immaterielles vous en loüent, Iuge vniuersel
de toute la nature creée. Que les Saints & les Anges
vous en benissent, digne voix de sa toute puissance. Que les
Cieux & les Elemens vous en rendent graces, digne Soleil de
Iustice. Que les animaux terrestres & aquatiques vous en

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chantẽt des cantiques de resiouissance, Sagesse eternelle. Que
les vegetaux & les mineraux vous en glorifient, l’Archetype
tousiours semblable à soy-mesme. Enfin que c’est Isaac veritable
qui s’est immolé pour le salut de toute la nature ingratitude
vous en remercie pour nous, de peur que nostre ingratitude
ne surmonte la grace qu’il vous a pleu de nous faire.
Loüons & benissons cét estre incomprehensible : car il a fait
des choses merueilleuses en faueur de son pauure peuple. Il
s’est acquis le salut du monde par sa dextre & par sa force. Il
nous a fait connoistre son salut, & nous a reuelé sa Iustice deuant
toute la terre : il s’est souuenu de sa bonté, & des calamitez
de cette miserable Prouince. Toute nostre posterité
sçaura les biens qu’il nous a faits, & nos enfans publieront ses
graces iusques à la fin des siecles : Car si la misericorde est
abondante sur nous, & sa verité sera d’vne eternelle duré.

 

LA BRETAGNE.

Seigneur, si l’emprisonnement de Monsieur le Prince n’asseure
la paix que le Roy nous a donnée, ie suis en estat d’estre
la proye d’vn nombre infiny de legions estrangeres & domestiques.
Mais qui la pourroit troubler si on la garde bien
estroitement, & si nous ne trauaillons pas à nostre perte. A
moins que de nous opposer nous mesme à nostre propre bien,
& à moins que de nous rendre volontairement complices de
nostre malheur, ie ne croy pas que nostre felicité puisse estre
troublée de quelque disgrace. Seigneur, ie voy biẽ que vostre
bonté se rend fauorable à nos supplications par ce coup d’Estat,
& qu’elle nous veut mettre à couuert des traits de l’ambition,
& des rages de la tyrannie. Vous appaiserez maintenant
vostre courroux, & vous destournerez vostre fureur &
vostre ire de nostre face. O Dieu de nostre salut retirez vostre
indignation de nous, & soyez tousiours propice aux supplications
de vostre pauure peuple. Le salut de ceux qui vous
craignẽt sera maintenant eternel, & vostre gloire demeurera
dans nostre Prouince malgré ces tyrans & ces impies. Vostre
bonté & vostre verité sont inseparables. Vostre Iustice marche
à present deuant nous, & nous irons à vous par ses voyes !
car ie reconnois mon iniquité pour profiter d’oresnauant de
toutes mes disgraces. Rendez-moy mon premier bon heur,

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& me rasseurez dans cette tranquillité publique. O Dieu de
mon salut ! deliurez-moy de la conspiration des meschans, &
ma langue chantera hautement vostre misericorde. Si vous
souhaittiez quelque sorte sacrifice Seigneur, ie vous en offrirois,
pour la retention de ces criminels : mais vous ne vous
esiouyssez point en holocaustes. Faites bien par vostre bonté à
ces pauures cœurs contrits, & ne laissez iamais sortir ces perfides,
afin qu’ils puissent plus facilement annoncer vos
loüanges.

 

LE BEARN.

Vostre misericorde soit faite sur nous, ainsi que nous l’auons
tousiours esperé de vos graces Sauueur de nos ames. Il y a
grande misere en moy Seigneur, qui suis exilé si loin, ioignant
les ennemis de cét Estat, & ioignant la plus insupportable
Nation de la terre. C’est pour quoy ie leue souuent mes yeux
vers le Ciel, pour voir d’où viendra mon secours, & pour
voir si vostre bonté se rendra exorable à mes plaintes. Mais
vous nous preseruerez Seigneur, & vous nous couurirez de
vostre main dextre, contre les conspirations de ceux qui nous
vouloient perdre. Vous ferez si bien Seigneur, que la fureur
de ces ennemis du repos public ne nous offensera pas, & qu’ils
seront bien gardez dans leur retraite forcée. Ceux qui se fient
en vous Seigneur, ne seront point esbranlez, non plus que les
monts qui nous enuironnent, & vous ne laisserez pas regner
la domination des Tyrans, sur l’heritage des iustes. Vous ferez
grace aux bons : mais vous punirez ceux qui se portent à
tramer la desolation des Peuples ; Parce que vous estes par
dessus toutes les Nations, & parce que vostre gloire s’y trouue
interessée. Vous releuerez le pauure de la terre, & retirerez
l’indigent de la misere. La bouche des enfans qui sont en
la mamelle confesseront vostre sainct Nom, & admireront
vostre puissance à la confusion de nos aduersaires, laquelle ne
se doit exercer que pour détruire les ennemis du Prince & du
peuple. Vous estes nostre refuge, nostre force, & nostre secours
contre les reuers qui nous enuironnent. Que la terre se
remuë sous nos pieds, que les plus hautes montagnes s’ébranlent,
que toute la nature soit en vn estrange desordre, nous
n’aurons rien à craindre, si vous prenez le soin de nous proteger,

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& de nous tenir en vostre sauue-garde. Que toutes les
Nations soit troublées, que les Royaumes soient en desordre,
que les Demons de la guerre exercent leurs passions là où ils
sont, que les voles, les meurtres, les violences, les sacrileges,
& les incendies soient des actions vniuerselles, nous ne
craignons rien de cela, pourueu que vous soyez nostre protecteur,
& que le Prince ne soit pas en liberté de nous mal faire.
Le Seigneur des armées est auec nous, & le Dieu de Iacob est
nostre haute retraicte. Venez & considerez les œuures du Seigneur
eternel ; car il a fait des choses prodigieuses pour le
peuple de France, en faisant serrer l’exterminateur de sa Patrie.
Il a fait en ce faisant cesser la guerre qui estoit aux quatre
coins de cette Monarchie Françoise. Il a brisé les arcs &
rompu les armes de nos ennemis, & il a reduit en cendre les
Targues & les Chariots de ceux qui nous vouloient perdre.
Les gens qu’ils auoient apostez pour nous égorger se sont esuanouïs,
& leurs funestes complots se sont dissipez comme
de la fumée. Le Seigneur des armées est auec nous, & le Dieu
de Iacob sera eternellement nostre deffense.

 

FIN

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Anonyme [1650 [?]], LE TE DEVM GENERAL DE TOVS LES BONS FRANCOIS. Sur la prise de Messieurs les Princes. , françaisRéférence RIM : M0_3756. Cote locale : B_6_16.