Anonyme [1652], LE SESANVS ROMAIN AV ROY, OV L’ABBREGÉ DES CRIMES DV PROSCRIPT MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_3667. Cote locale : B_12_63.
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LE
SESANVS
ROMAIN
AV ROY,
OV
L’ABBREGÉ DES
CRIMES
DV PROSCRIPT
MAZARIN.

A PARIS,

M. DC. LII.

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LE
SESANVS ROMAIN
AV ROY,
OV L’ABBREGÉ DES CRIMES
du proscript Mazarin.

Les rigueurs, les cruautez, les tyrannies, les assassinats,
les empoisonnemens, le-rapts, les sacrileges,
les accusations, les proscriptions, les iniustices,
les seditions, les partialitez & les guerres. Bref,
les feux & les flammes dont l’Empire Romain a esté
embrasé sous le regne de Tibere, n’ont iamais peu
estre arrestées, suspenduës ny esteintes, que par la
mort de Sesanus Iustinianus fatal boutefeu, & le flambeau
des malheurs, qui ont presque reduit en cendre
ceste premiere Souueraineté du monde.

SIRE, voici l’estat present des affaires de vostre
Royaume, en voici la viue image, il y a dix ans [1 mot ill.]
Sesanus, a porté son demon dans la France, sous le [1 mot ill.]
de LOVIS XIII. vostre Pere, il s’y est establi en
hypocrite, en regnardeau, & ce grand Prince qui cherissoit
ces Princes, qui aimoit ses suiets commençãt à
le cognoistre, commençoit aussi à le hayr, & auoit resolu

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de purger ses Estats, & en chasser ceste peste
publique.

 

Mais sa mort funeste & precipitée, en ayant arresté
l’execution, à vostre minorité, les diuisions que ce
nouuel Sesanus à semees dans vostre Estat, & l’auctorité
qu’il s’y est vsurpee, luy ont mis la couronne sur
la teste, nous ont fait esclaues de ses desirs, & de ses
passions déreiglees, & l’y font regner en Lyon deuorãt.

Nous ne viuons depuis cinq annees que de larmes,
surchargez de tant d’impositions extraordinaires,
foullez de tant de nouuelles commissions & d’Edicts
de creation d’offices, opprimez de tant de leuees
de deniers, bref si tyrannisez par ce nouuel Sesanus
qu’il ne nous reste plus de vie, non pas méme pouuoir
& la liberté d’exaller ces dernieres paroles.

Nos Princes sont empoisonnez, sont emprisonnez,
sont chassez d’aupres de leurs Princes, sont courus,
on leur liure la guerre, on leur interdit l’entrée
des villes, & veut-on faire croire que la requeste à
l’instant qu’ils font de la reformation de l’Estat, que
la iustice qu’ils demandent à V. M. des maluersations
de ce nouuel Sesanus, & ses supposts, est vn
crime de leze Maiesté.

Le Parlement, cet auguste Senat de la Iustice des
Roys, ceste Cour des Pairs, la ferme coullonne de
vostre Couronne est menassée de mort, de prison perpetuelle
ou d’exil, si elle continue en ses tres-humbles
remonstrances, ces vieux & fidelles seruiteurs n’oseroient

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plus parler, il n’y a plus de liberté que pour
les pensionnaires, vos tres-humbles seruiteurs, vos
fidelles suiets sont enleuez de leurs maisons, de leurs
licts, lors mesme qu’ils n’ont plus presque de vie en
extremité de maladie, & conduits par la ville de Paris,
par vne insolente trouppe d’archers, sont arrachez
d’entre les bras de leurs femmes du corps du Parlement,
& renfermez dans des prisons.

 

La Noblesse qui se joinct auec ceste saincte demande
est declarée rebelle, on propose de l’assassiner
on la prescripte de la France, & le tiers estat est
menacé de fers & de prison, la parolle mesme est
interdicte aux gens de bien qui s’en pourroient pleindre,
& mes-huy la France deuient vne forest sans
Princes, sans hommes, & sans François.

Si ta cruauté Sesanus n’est encore assovuie du sang,
& de l’honneur de ceux que tu as fait mourir & mal
traicter pour avoir leur bien & confiscation, si ton
avarice n’est encore bornée des grands tresors que
tu as vollez à sa Majesté & à son peuple, qui te font
seigneur de deux cens mil liures de rentes, en Benefices,
& de plusieurs millions d’or en deniers contans, si
ton ambition desmesurée n’a encores du tout esloigné
nos Princes, & esteint la memoire de leur nom,
pour commander apres absolument en France, & y
trancher du souuerain, si tu n’as du tout opprimé ou
aboli la iustice souueraine en nos Roys qui se plaint
de tels mauuais deportemens, si le sceau, le Conseil
de sa Maiesté & les finances de cet Estat ne sont encores

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assez ruinées, bref, si le peuple qui reuere son
Roy, si la Noblesse qui le soustient a encore quelque
chose de reste qui puisse empescher l’effect de tes desirs.

 

Cruel tyran, Sesanus nostre ennemy commun,
faicts nous tout a faict mourir, sans nous faire languir,
ne nous traine plus en esclaves apres tes passions,
tranche toutes remises, & advance promptement
le cours de nos malheureuses destinées, aussi
bien nous sommes François, & voulons ou la mort
pour ne souffrir plus tes cruautez : ou la vie pour deffendre
celle de nos parens.

Grand Dieu moteur de cet vniuers, qui sondez les
cœurs & les pensées des hommes, ayez pitié de ce
pauure Estat du tout perdu, sauvez nostre Roy, maintenez
les Princes & le grand corps souverain de Iustice,
& nous donnez la force de tellement combattre
l’ennemy des fleurs de lis, qui demeurans dans l’integrité
de nos peres nous chassions ce nouuel Sesanus
& sa tyrannie, nous fassions voir à la posterité que
nous auons encores assez de courage & de force pour
maintenir nostre Roy, les droicts de sa Couronne ; &
la iustice la deffendre de l’inuasion de ses ennemis, &
empescher l’audace & insolence de tous ceux qui
s’y voudront rendre contraire.

SIRE, les larmes de vostre pauure peuple n’ayant
peu estre veuës des tendres yeux de V. M. ny leurs
souspirs & voix mourantes ouyes de vos ieunes oreilles,

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souuent toutesfois paruenuës iusques à vostre
chambre, souuent representées à vostre Conseil, tousiours
mesprisées par ce nouuel Sesanus qui y preside,
ce grand Roy des Roys les a en fin exaucées, & parmy
ce grand desordre, au milieu de nos fers, dans l’abbandon
& la licence du vice, à la veille de nostre
perte, a inspiré la volonté de S. A. R. de les faire connoistre,
& les vous representer.

 

Car qui veid iamais Maiesté si mal suiuie, les Princes
& grands si peu respectez, la Iustice si mal administree,
vos finances si ruinée, la Noblesse si fort mesprisée,
le peuple si opprimé, les charges & dignitez
si mal departies, les benefices si mal pourueuz, les
offices à si haut prix, & la Couronne en si grand hazard.

Mais SIRE, ceste belle esperance que nous avons
conçeu s’est esvanouie, l’asseurance que nous avons
prise, & quelque reformation est demeurée vaine, &
ne nous en reste que le seul desespoir.

Temistocles voulant leuer par force la cruë des
tailles sur les Adriaux, leur fit entendre qu’il leur apportoit
deux puissans Dieux, amour & force, mais
ils luy respondirent qu’ils en avoient encores deux
plus puissans, sçavoir pauvreté & impossibilité.

Hé qui ne s’est point plainct de ces charges, vostre
Maiesté l’a veu par la declaration que la Noblesse
en a faictes & portées, non par deux ou trois de ce
corps ; mais par plus deux cens qui ont protesté de la

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soustenir à la poincte de leur espée, attendant que
vostre Maiesté leur en aye faict iustice.

 

Le Parlement s’en est scandalise, & s’estant veut
mal traicté pour avoir bien seruy, soustient les
droicts de vostre Couronne, la liberté & seureté de
vostre personne vous a declaré, qu’il ne pouvoit
plus supporter le faiz de si dures & pesantes charges,
& les deputez de cet ordre vous ont assez tesmoigné
& adverty qu’ils ne pouvoient retourner chez eux en
asseurance de leurs personnes, si vostre Maiesté ne
les contentoit de ce qui leur a esté promis, & dont
lettres ont esté escrites & envoyées aux Provinces.

Mais tout céla n’a seruy d’aucune chose sur l’inhumanité
de Sesanus contre ses mauvais desseins, vostre
Parlement en fin a pris partie du malheur de la France,
& continuant à l’endroict de vostre Maiesté la fidelité
& devotion dont il a esté de tout temps admiré
avoit ouvert la porte aux remedes, & par son arrest,
qui porte semonce aux Princes & grands du Royaume
de se rendre au Palais, esperant de servir vostre
Maiesté si puissamment, si vtilement, & avec tant
de gloire que vostre regne en eust esté beny de
Dieu & des hommes, & estoit ceste action si glorieuse
& si grande qu’il en eust esté memoire, à iamais.

A cela vos mauuais Conseillers, les mauvais François
opposent que c’est entreprẽdre sur vostre auctorité
que le Parlement ne doit connoistre des affaires
d’estat, comme si c’estoit chose nouvelle, & dont on

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fut sans exemple dans l’histoire, que le Parlement represente
à son Roy, ce qui regarde le bien de ses affaires,
& les desordres de son Conseil, comme si en l’annee
quatre vingts dix-sept, le mesme Senat n’avoit
pas faict le semblable à l’endroict de Henry IV. estant
lors à Fontaine-bleau.

 

On met la Royne en ceruelle, on ne veut poinct
que ceste assemblée se face, & deslors Sesanus qui
voit ses actions descouvertes, sa vie reconnuë de tout
le monde, qu’on trouue des promesses faictes pour
luy, à la charge d’expedier & faire des arrests du Conseil,
que son honneur est perdu, & que son bien &
sa vie courent risque, destourne l’effect d’vn si avantageux
& honorable dessein, donne l’alarme bien
chaude, & fait sonner le toxin contre vn corps de Iustice,
fidel & tres-obeyssant.

Ce Parlement est menacé, on a veu ses remonstrances,
elles vous sont presentées, elles ont esté
leuës en plain Conseil, mais la response n’est que menaces,
la satisfaction que le mespris & le bon gré de
se seruice, que deffences de passer plus outre.

On fait plus cas de Sesanus, que de ce tant renommé
Senat, il y en a qui publiquement oppinent à la
mort de quelques-vns, comme des Presidens & Conseillers
de ce grand Corps, on les menace en vostre
presence, & dés lors l’on minutte des arrests fulminez,
pleins de passion, violence & de rage, on nomme
leurs remonstrances, calomnies & rebellions,

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que c’est vne entreprise sur vostre authorité, contre
leur deuoir & le bien de l’Estat, bref, on les accuse de
crime de leze-Maiesté, auec des paroles pleines de
rigueurs & de chastimens.

 

On se saisit de la personne de Messieurs les Princes,
on fait aduancer les compagnies d’Ordonnance,
& les cheuaux legers, on les conduit au Bois de Vincennes,
de là à Marcoucy, & apres au Havre de Grace
pour les perdre, & la peau du Lyon ny pouuant faire
aucune chose, on y attache celle du Renard : apres
leurs deliurances on veut conferer auec eux, pour
pouruoir à ce desordre, & en chercher le remede,
mais pendant qu’on les amuse sur ce traicté, on
minutte à les arrester encore vne fois, & ayant aduisé
qu’il n’y auoit point de seureté pour eux, ils
cherchent leurs seuretez en Guyenne & en Normandie.

Vn certain Empereur fit venir à Rome Archelais
sous feinte d’amitié, l’accusa, l’arresta, & le fist mettre
en prison, le fit mourir, & rendit son Royaume
tributaire à l’Empire Romain.

Et qui ne voit que Sesanus qui ayme la confusion
& le desordre, iugeant que cette reconciliation estoit
le seul acheminement des affaires, & que l’eschet en
tomboit sur sa teste, l’a voulu rompre, rendre inutil,
& qui ne cõnoist que leur ancre sacrée, leur refuge &
leur salut ont esté de recourir à Monsieur le Duc d’Orleans,
& le coniurer par leurs dignes & signalez seruices

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que chacun sçait de ne les abandonner en vne
occasion si importante & si necessaire, & persuader la
Royne de permettre de donner les seuretez qu’ils demandent
pour reuenir en Cour.

 

Cesar craignant de rendre compte des charges qu’il
auoit euës s’empara de l’Estat & se fit souuerain, & Pericles
ietta le peuple d’Athenes à la guerre pour le
mesme sujet : ainsi fait Sesanus lors que l’on parle de la
recherche de sa vie, il arme tout l’Estat, & veut la
guerre.

Car il a bien consideré que le gouuernement de
Paris, que le Bois de Vincennes ny autres forteresses
n’estoient assez fortes pour asseurer sa vie contre la
haine generale & publique que la France a conceuë
contre luy : car de penser qu’vn tyran se puisse guarantir
par force, c’est vn abus, tesmoins les Empereurs
Romains, qui ne laissoient d’estre assassinez encores
qu’ils eussent quatre legions d’ordinaires prés de leurs
personnes seuls, pour estre maintenus.

Vostre Maiesté a veu par la lettre de Monsieur la
Prince & par sa declaration, la tres-humble soubmission
de l’obeyssance qu’il apporte à ce qui est de vos
commandemens, il ne vous demande ny argent, ny
honneur, ny dignitez, ny recompense, ny places fortes,
ny aucunes choses pour son particulier, comme
ses ennemis publies, & que l’on a fait escrire par toute
la France sous le nom de vostre Maiesté, son vnique
but est vostre seruice, & pour son affection le bien

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de vostre estat. Il ne crie que iustice & vous la demande
tres-humblement contre le tyran Sejan, auec le
soulagement des oppressions que le peuple souffre
& nous adioustons à ces instances contre tant de
proscriptions & violences faites à des personnes
de qualité, & recommandable pour leurs grands
seruices & loüable fidelité, qu’ils ont tesmoignée à
vostre Maiesté, & à la conseruation de cet Estat, &
que veu la iuste innocence de Monsieur le Prince, &
des Princes & Duc qui l’assistent.

 

Et pour cela, faut-il que Sesanus vous porte à la
guerre, qu’il embrase les quatres coins de vostre Royaume,
& qu’il le mette en cendre, faut il Sire, que
pour quelques personnes vn monde d’ames perisse,
vos villes se ruinent & que la France deuienne vne forest.
Quoy ? pour cela faudra-il exterminer la maison
de France, & sous des colomnes de Sesanus auctorisée
de vostre seau, & de tant de Declarations faite par le
Conseil de ses pensionnaires, perdre vostre sang &
vos subiects.

Quoy ? parce que Monsieur le Prince & les autres
Princes qui l’assistent, ne respirent qu’a rendre tout
seruice à vostre Maiesté, & demeurer fermes dans
leur obeyssance, on les veut declarer criminels de
leze-Maiesté, & pource, on extorque des Arrests,
& des resolutions du premier Senat de l’Europe pour
proceder criminellement contre eux.

Monsieur le Prince au nom de toute la France,

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au nom de toute l’Europe, de tous vos amis & alliez :
vous demande iustice ; voyons si vous la luy pouvez
refuser, & si pour des personnes de neant, il faut reietter
la voix de Dieu, puis que celle du peuple est
ainsi nommée, sa qualité de Prince de vostre sang, &
tres-humble subiet vous y oblige.

 

Les Rois, Sire, ont esté instituez & establis à ceste
fin : car laisser la terre à la discretion des hommes, viure
sans iustice, c’est à dire sans societé, est chose du
tout impossible ; d’où est venu que les hommes mesmes
se sont ordonnez des loix, si nous en croyons
nos liures, & les sainctes lettres nous apprennent
que les Roys ont esté faits de la main de Dieu pour
regir les peuples. Aussi leur office n’est autre que de
faire iugement & iustice, (dit S. Hierosme) & deliurer
de la main des calomniateurs ceux qui sont opprimez
par la force & la puissance.

Ie suis (dit vn grand Prince) celuy d’entre les mortels
qui a esté aggreable & esleu pour representer les
Dieux en terre, arbitre de la vie & de la mort du peuple,
& distributeur de la fortune d’vn chacun.

Considerez & meditez ses paroles, Sire, & vous
verrez à quoy vous estes obligé. Le Prince (dit Seneque)
doit prendre vn soing entier de la chose publique,
se charger des bonnes & mauvaises fortunes du
peuple, s’oublier soy-mesme pour l’amour de ses suiets,
estre importuné de divers messagers, respondre
à tous, auoir l’œil sur tant de villes, nations & prouinces,

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& trauailler nuict & iour pour le salut de
tous ? Qu’est-ce à dire ; sinon que la charge du Prince,
& son but ne doit estre autre que le salut du Peuple ?
c’est à dire faire iustice.

 

Oyez & prenez ce que disoit Tybere au Senat de
Rome, & vous iugerez auec quel conscience on vous
persuade de mespriser les Parlements, ie vous ay dit
plusieurs fois (disoit ce Prince) & le vous dis encore
que tout bon & iuste Prince doit servir au Senat à
tous les Cytoiens le plus souvent & tousiours à chacun
d’eux en particulier, & ne me represente point
de l’avoir dit ainsi, belles paroles dignes d’vn grand
Monarque, & qui ne peuvent estre prononcées que
par vn esprit vrayement divin, voila l’entiere instruction
d’vn Prince, qu’il serue (dit-il) c’est à dire qu’il
escoute, qu’il defere au Senat, qu’il croye les bons &
fidels Conseillers, qu’il cherche & procure le bien du
peuple, & qu’à chacun il face iustice & empesche les
oppresions, hors de la il n’y a point de Prince.

Ce que Traian considerant lors qu’il donnoit au
Preteur l’espée de iustice, ayant pouvoir de vie & de
mort, tenez (luy disoit-il) si ie commande quelque
chose avec iustice pour le salut de tous, employez la
pour moy, si autrement, vsez en contre moy.

Representez-vous que les Roys ne sont que depositaires
de Couronnes, & de faict Adrian l’Empereur
avoit coustume de dire qu’il se porteroit à la directiõ
de la chose publique, comme si l’affaire du peuple

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estoit la sienne propre.

 

Ceste vieille eust bonne grace qui demandant iustice
à ce méme Empereur, apres plusieurs remises l’aresta
tout court, vn iour qu’il alloit à la chasse, & eust
la hardiesse de luy dire, rendez iustice, ou ne soyez
plus Roy. Mais quels inconveniens & malheurs n’ont
point suivi les Princes qui ont desnié la iustice à leurs
peuples ? Philippes pere d’Alexandre, & Demetrius
Poliocertes en ont laissé de beaux exemples à la posterité,
au contraire les Royaumes qui ont esté regis
par iustice, ont tousiours esté florissans & les Roys
heureux qui l’ont maintenuë.

Laissons les Philippes, les Cesars, les Claudes, les
Trajans, & tous ces vieux Romains, iettons les yeux
sur la iustice de l’Empereur de Bizance, voyons Totilla
ce fleau de Dieu, de qui les actes de iustice sont
si remarquables qu’ils feront rougir de honte les
Chrestiens.

Mais nos Roys de France, Charles 8. S. Louis &
ses descendans nous en fourniroient de plus frais &
de plus rares, si nostre dessein estoit d’en faire vn ramas,
il nous suffit de vous dire, que le Royaume n’a
esté soustenu de ceste pesente main de Dieu, soubs
le regne mesme du feu Roy vostre Pere, que par les actes
de sa Iustice.

Vous Sire, particulierement estes obligé à cette
mesme iustice, & quand il n’y auroit autre obligation
que le serment qui se fait au Sacre de nos Roys,

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c’est chose si importante à vostre salut, & de tout vostre
peuple que vostre Maiesté ne s’en pourra iamais
desdire non pas mesme le differer ou conniuer, sans
vne apprehension perpetuelle de la main du Tout-puissant.

 

A l’esgard des hommes desquels vous ne releuez en
aucune façon, encores y estes vous obligé, si les paroles
des Roys sont veritables & plaines deffet, particulierement
à l’endroit de Monsieur le Prince : car
sur les plaintes qu’il vous a faites par ses lettres des
mal versations de Sesanus & ses adherans. Il n’en a eu
la satisfaction qui estoit à desirer, & dont l’execution
en seroit bien plus glorieuse si elle en eust esté faicte
ou si elle l’estoit à present ; car qui doute que ce tyran
n’ayt abusé du deuoir de sa charge, n’ayt ruiné ce
Royaume, & n’ait perdu sa reputation par ses concussions,
volleries & trahisons, en pouuons-nous douter
apres la denonciation de Monsieur le Prince qui
a offert de la vous iustifier, & que le Parlement de Paris
demande permission d’y pourvoir ? voudriez-vous
enfin refuser la Iustice que vous auez promise, iurée,
& que vous leur deuez ? quoy faudra-il que nous fassions
venir en France vne vieille estrangere pour
vous dire faictes iustice, ou cessez de regner ?

Vostre Parlement & les sacrées personnes qui le
composent, portent vn si grand respect aux volontez
de vostre Maiesté, que pour vous complaire ils protestent
se décharger du fardeau qu’ils supportent, &

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contenter le public, & auroient eux mesmes remis
leurs charges a vostre deposition, au premier signe
qu’ils en eussent receu de vostre Maiesté, comme ils
ont publiquement & particulierement assez de fois
declaré qu’ils sont encores prests de faire à la premiere
semonce qui leur en sera faite de sa part.

 

Ces personnes si sainctes & si obeissantes (Sire)
que mesme la Reyne reconnoist pour tels ; ces grands
hõmes sacrez tuteurs & depositaires de la Iustice, auront-ils
changé d’humeur a present ? il n’est pas possible
ny croyable qu’ils veulent contredire ce qu’ils
vous ont offert, & puis qu’ils se soubmettent à l’examen
de la Iustice, qu’ils declarent en particulier &
en public vouloir contenter la France, & se demettre
de leurs charges ? pourquoy exposera-on vostre Royaume
en proye, & le faire deuorer par le feu d’vne
guerre intestine ?

Guerre qui affoiblit vostre authorité, incommode
vostre personne, ruine l’Estat, dissipe vos subiets, &
fait dependre de la discretion & de la merci de vos
voisins, & de vos ennemis, & tout cela pour maintenir
des pestes publiques.

Nous n’avons point encor oublié nos dernieres
fureurs ciuilles, nos compagnes ne sont point encores
desgraissees des corps morts quelles ont couverts,
nos riuieres, nos fleuves & nos fontaines rougissent
encores du sang des François, & voulez vous Sire,
que pour vn tyran & ses adherans qui ruinent vostre

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Estat nous perissions tous ? destourdez destournez ceste
malheureuse destinée de la France, soyez Roy &
Roy des François.

 

Decernez, Sire, decernez commissions au Parlement
pour informer contre les ennemis domestiques
du Royaumes, ordonnez lui d’en faire iustice, & nous
voila apres tous contans, plus de guerre, plus de troubles,
il n’y a que les meschans qui apprehendent la
veuë de la iustice, & qui aiment la confusion, car outre
l’asseurance qu’ils ont d’eschapper, par ce moyen
le iugement des hommes, encores ont-ils cét aduantage
de pescher en eau trouble, la vie d’vn homme de
bien doit estre semblable au bastiment de Iulius Drusus,
si ces gens sont si iustes, & s’ils ont bien vescu
qu’apprehendent ils ? vne ame nette ne doit rien
craindre.

Scipion l’Africain, l’honneur de son age, Scipion
Lasiatique, Lutilius & Ciceron iettez eux mesme
dans les hazards de la censure, Et pourquoy ces gens
ici ne la souffriront il pas ?

Mais Sire, voici ce qui les touche, voici le ver qu’il
leur ronge l’ame, voici en vn mot le bourreau que
sent ce nouuel Sesanus, car qui peut ignorer le train
de sa vie : que les artifices dont il s’est serui en Allemagne
& en Italie, ayant osé bailler des passeports
aux ennemis de cest Estat. Mais qui ne sçait la lascheté
qu’il fist à l’endroict des alliez de la Couronne,
les deniers qu’il a volez à la honte & à la perte de

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la reputation & de l’honneur de la France, les trahisons
qu’il a commises en tant de lieux, & ce qu’il a fait
depuis son retour, ses pratiques mesmes, & les pensions
qu’il tire tous les ans auec lesquels il a tellement
enflé les voilles de son ambition, qu’il medite
desia la souverainneté du monde.

 

Les Garnisons remplies d’estrangers, l’ennemy de
la France placé dans vostre chambre & ses partisans
en vostre Conseil, & vne infinité d’autres commis
que i’obmets, & qui seront representez & iustifiez
ailleurs, a esté fait par l’aduis, & par l’auctorité de ce
nouuel Sesanus, & pour son profit, & qui pourra croire
que ses actions si detestables demeurent imprimez,
puisque ce sont autant de crimes de leze Maiesté, si les
loix de la France meritent d’estre creuës.

Vos tresors ou plustost ceux de la Couronne sont
vollez ! helas, Louis XIII. grand Prince qu’estoit il necessaire
de fatiguer vostre vie, & suer si long temps
pour rendre vostre France riche, opulante & redoutable
a tout le monde : puisque à present l’on la fait
esclave de vos ennemis, pauvre & du tout miserable,
tant de milions qu’on a leuez sur vostre pouvre peuple
sont esvanouis, Sesanus & les siens les possedent, ils
en achetent des Principautez Souueraines, des Marquisats,
des Comtez & des Baronnies, les Banques de
Venise & d’Allemagnes ne sont fournies que des deniers
qu’il vous à volez, les Accademies à Paris ne s’entretiennent
que de billets & promesses de Sesanus

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iouë à trois dez les cent milles pistoles, ne coustent
que le masses à vn seul coup, vn tapo trange vn paroli
& riparolli, & employez pour la despense de sa garde.

 

Il estoit bien permis à Pericles d’employer dix mil
escus en la despence de ces comptes, sans acquit, mandement
ny en dire la cause, parce que sa prud’homie
& sa loyauté estoit cogneuë de la republique, mais
qui ne sçait & connoist l’avarice & la desloyauté de
ce nouuel Sesanus.

Aussi est ce la raison pourquoy la Chambre des
Comptes fort prudemment n’a voulu verifier l’acquit
qui en auoit esté seellé, & qu’elle a protesté de ne le
consentir iamais estant tres veritable que les deniers
de la couronne (ceux-la particulierement) ne pouvoient
estre enleuez que pour chasser l’ennemy du
milieu du Royaume, suivant l’Arrest qui en fut faict
au Conseil, les Princes & Ducs presens.

Mais dequoy sert-il de faire de beaux arrests en vostre
Cour, puisque Sesanus les mesprise, ny a aucun
esgard, & passe par dessus tout, c’est arrest est aboly
par autres du tout contraires ; la force & la violence
peuvent & osent tout, les loix ny les hommes mesme
ny sçauroient faire resistance, l’argent est enlevé par
les conseils de Sesanus.

On rompt les portes, les tonneaux, & les bariques
du tresor sont enlevés, diuertis, dissipées & mangees
auans d’estre distribuées, Sire, il n’est pas licite au
souverain d’abuser des tresors de l’Estat, d’autant que

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le Royaume (comme dit Cassiodere) n’est autre
chose qu’vne republique sous la garde du souverain,
ou de fait Pericles fut griefuement repris de
ce qu’il auoit dit aux Ambassadeurs des alliez qu’ils
n’auoient point d’interest, a quoy les finances
fussent employees.

 

Si du moins on les auoit fait passer par l’Espargne
ce seroit quelque chose, mais on ne les
prend que sous son recepicé, & par des comptans.

Ce n’est pas sans cause, Sire, que ce Sesanus
entreprend sur vostre auctorité, & si les bons &
vieux seruiteurs du feu Roy vostre pere qui ont le
mieux faict, & qui iusques à present ont maintenu
vostre Couronne, sont chassez, les vns
menassez, les autres mal traictez & banis de la
Cour & des affaires, les faustes accusations & les
calomnies ne sont point encore esteinctes, il se
trouvera encores ie m’asseure quelque nouvelle
mendiolle pour attaquer quelque grands Officiers
de la Couronne, & faire bailler leur confiscation
aux confidens de Sesanus quelque Iuif ou
Maranne qui pourra entreprendre d’empoisonner
nos Princes, il a enuoyé des billets aux
Officiers Souverains pour n’aller plus aux assemblée,
comme aussi il a exilé de vos meilleures
villes, plusieurs autres bons bourgeois & Citoyens
plus affectionnez à vostre seruice que ne fut

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iamais ce coyon, bon Dieu quel siecle est celuy-cy
ou les bons souffre, & les meschans sont supportez.

 

Vostre Parlement en ses remonstrances nous a
faict veoir à l’œil & toucher au doigt la dissipation
de vos deniers, les volleries qui ont esté
commises, & s’est offert de vous le iustifier, que
faut-il d’avantage pour conuaincre ce nouuel Sesanus.

C’est ce grand corps de iustice qui le vous dit,
c’est l’oracle de verité qui le vous represente, &
pour cela on le menace, on luy defend d’aller rendre
iustice, on arrache ses officiers de leur logis
pour les mettre au lict de la mort.

Mais Sire, que dira ce Sesanus, sur la necessité
de vostre espargne, comment est-ce qu’il couvrira
les emprunts qu’il faict faire, comment les interests
que vous payez, tandis qu’il ioüit du principal
de vostre reuenu, on vous menasse Sire,
d’vn reculement des rentes, on nous asseure du retranchement
des gaiges des officiers, on propose
diuerses inuentions nouuelles qui sont desia receuës
en vostre Conseil plusieurs Edicts de nouuelle
creation d’office ont esté seellez pres d’estre
enuoyez en vostre Parlement, ses solliciteurs en
ont minuté les Arrests.

La loy Claudia deffendoit aux seruiteurs Romains
d’auoir aucun vaisseau de mer qui portast

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plus de quarante tonneaux, Quastus (dit Tite liue)
Patribus in decorus visus est, mais cela n’a point
de lieu en France, puis que le vice s’est changé
en vertu, & qu’estre homme de bien est deffendu
soubs le regne de Sesanus.

 

Et cependant en la necessité ou vous estes, Sesanus
ne voit point que nous sçauons que vos fermes
sont augmentees de plus du tiers, la despence
de vostre Maiesté diminuée de beaucoup, si ce
n’est les pensions qu’il a renforcees en faueur de
ceux qui trahissent leur ordre & leur maistre, qui
se sont departis de la recherche de ses voleries &
de ses actions qui le maintienent & le portent en
ses souplesses, à ces nouveux Conseillers ie dis à
ses confidens, ausquels il a fait augmenter des
sommes excessiues par chacun an, au moins si
vos pensions & vos dons estoient distribuez comme
faisoient les Roys de Perse, & de Macedoine,
ou comme faisoit celuy d’Egypte vers Aratus, qui
auoit l’estat à sa deuotion, cela seroit supportable,
mais il les distribue à ses confidans & amis, non à
vos seruiteurs.

La passion Sire, ne me faict point parler, ie
n’ay aucun interest en ses affaires, mais la verité
guide mes paroles, iamais Catelina Marius ny silla,
dont l’histoire Romaine fait mention, ne furent
si pernicieux à l’Empire que ce nouuel Sesanus l’est
à la France, le Trionvirat ne fit iamais tant de

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mal que ce Sesanus faict.

 

Tibere fust merueilleusement blasmé de ce
qu’il ne fist aucune iustice des plaintes qu’on faisoit
contre les vices, des Consuls & Commissaires
qu’il auoit establi és Prouinces, au preiudice des
ordonnances de Rome, & d’auguste son predecesseur,
& dit l’histoire que ce fut vn des premiers
traits qu’il fit d’vn meschant Prince.

On vous pippe, on vous ruine, on vous trahit,
& vous ne voyez pas que ce Sesanus vit dans la
confusion, comme le poisson dans l’eau trouble,
que l’orage & la tempeste de l’Esté est son pot asseuré,
que la concorde & la paix est sa ruine, les
guerres ciuilles ne sont iamais vtiles qu’aux meschans,
qui ne craignent pas moins la paix que la
peste, ayant en tout euenement deuant les yeux
la resolution de Catilina, lequel disoit qu’il n’auoit
peu esteindre par eau le feu pris en sa maison,
mais l’esteindroit en la ruinant, & de faict, il fust
à vn poinct pres de perdre l’Estat, si le conseil de
Ciceron n’y eust remedié.

La presence des princes est vn Soleil bien clair,
ou bien fort contre les broüillards de ce Sesanus, il
a beau espoissir ses nuees impures d’orgueil, d’auarice,
d’iniustice d’ambition, de tyrannie, les
rayons de ses Soleils dissipent tout, les fondent en
eau liquide & leur font rendre gorge, c’est ce que
ce Sesanus craint, c’est la meditation qui l’occuppe,

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c’est en vn mot ou tous les ressorts de son
esprit sont bandez, & vous n’en ferez point
iustice à la France qui la vous demande auec
larmes de sang ?

 

Parthenius fut lapidé pour auoir conseillé
le Roy Theodebert de charger ses subiets de
nouueaux subsides.

George Prescheron fut executé à mort pour
mesme subiect, & fit perdre Henry de Suede,
duquel il estoit Gouuerneur.

Ce nouuel Sesanus fait pis que cela, & toutesfois
il vit encore, n’en ferez vous point iustice,
Sire, pour le moins souffrez que nous la
façions faire. Si Commene a peu faire chastier
Theodore son fauori, pour auoir destourné
vn bœuf seulement qui appartenoit à vn
sien pauure subiect, que ferez vous à ce nouuel
Sesanus qui vous volle, & volle vostre
peuple.

Voyez l’industrie de ce nouuel Sesanus,
pour s’excuser & se couurir, y fait chastier
d’vne main, mais pour garder qu’on ne le descouure
il recompense de l’autre, & cela faict
il, depuis la plainte & les remonstrances du
Parlement, afin que ceux qui ont traicté auec

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luy pour semblables affaires, se contiennent
en silence & en respect.

 

Mais qu’est-ce que ce Sesanus ne faict
point aux finances, à ce petit Conseil qu’il
nomme direction priuée, il n’y a affaire qui si
traicte dont il ne fait argent tous les partis &
vos formes luy sont tributaires, il ny a Partisan
ny Fermier qui ne luy doiue hommage :
ie dis vne rente annuelle, & son droict d’entre
ceux mesme qui poursuiuent quelque
remboursement au payement des debtes,
sont contraincts d’en traicter & composer,
tousiours rabais & desdommagement envoye :
tousiours folles, encheres chez luy,
tousiours Partisans à ses trousses, pour auoir
des diminutions de charges, ou bien des augmentations
de nouueaux droicts & de plus
longues années iamais, rien à vostre profit.

Cesar en son premier consulat fit rabaisser
les encheres des Fermiers apres auoir eu les
mains graissees, Metellus tribun du peuple
osta le peage d’Italie, moyennant de l’argent
qu’on luy donna, Pericles fit distribution en
Athenes de quelques deniers qui reuenoient
de bon des finances en faueur de ses fauoris,

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Sire, voila le train de ce Sesanus.

 

Digne & celebre Senat qui a tesmoigné à la
posterité que le seul seruice du Roy & le zele
de la iustice est son but & son Phare, sans
apprehender ny craindre les fulminations de
ce nouuel Sesanus, les menees ny mesme
ses recompenses, digne encore vn coup que
la posterité en sçache l’histoire sur vne table
d’eternité l’integrité de ce Senat & de ses deputez
soit grauée en lettre d’or.

Qu’on entre donc plus en admiration
des benefices qu’il se donne & qu’il achepte
tous les iours, Il possede & les siens toutes les
principales & plus importantes charges, tout
passe par ses mains, tout est faict pour luy,
& afin que vostre Maiesté sçache que ce ne
sont point calomnies, mais veritez essentielles
& subsistantes quant elle aura eu aggreable
de pourueoir sur les plaintes du Parlement
de permettre d’en estre informé, on les verifiera.

O que celuy est digne de loüange immortelle,
que premier amis au iour la verité
cachée dans le puis Democrite, c’est à
dire ceste confusion, qui vray Prophete nous

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a denoncé les mal-heurs que nous voyons à
present en la France, qui en vray & fidel
François en a baillé les aduis & les remedes
aux assemblées, mais nous aymons mieux
nous perdre que desplaire à ce nouuel Sesanus,
& seruir nostre Roy, ce n’est plus le
siecle de recompense ny des honneurs, nous
mesprisons ce qu’il faudroit cherir par deuoir,
& ce que nos peres auroient honoré
& recherché dans les coings les plus esloignez
de la terre, & à l’imitation du pourceau
d’Epicure, nous aymons mieux croupir
dans la boüe de la confusion & du desordre
qu’auoir la gloire de bien seruir &
de bien faire, ce nouuel Sesanus le voit
bien, Sire, il le sçait bien, c’est pourquoy
il continuë.

 

C’est pourquoy il esloigne Monsieur le
Prince, & les autres Princes, Ducs & Pairs
qui sont auec luy, les veut perdre, les faire
declarer criminels, les veut rendre odieux à
vostre Maiesté & au peuple, deffend aux villes
de leur donner entrée ny passage, escrit au
Parlement des colomnies au lieu de la verité
de leurs actions, & ne trouuerons nous point

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en France quelque Florus ou sacronis, pour
resister aux oppressions que les François souffrent.

 

Les assassinats qui se commettent sont auctorisez
de Sesanus, point de iustice, mais
toutes mauuaises entreprises.

Les Princes & les peuples sont plus mal traictez
en France que n’a esté Rome Germanicus
soubs Thibere, les conseils de ce nouueau
Sesanus, tendant à l’extirpation de la maison
de France, à la ruine de la Iustice & de
tout l’Estat.

La force de l’Estat n’est plus en vostre disposition,
vos finances & vos canons sont és
mains de ce Sesanus, l’ordonnance de ses
confidans, vos places fortes, ou ruinees, ou
consignées entre les mains des estrangers ou
les Princes esloignez mal traictez, & courus,
la iustice mesprisée & foullee, la Noblesse
offensée, le peuple ruiné & irrité, les villes
mescontentes & mutinées, les charges millitaires,
celles de iudicatures & des finances
venduës & rauies à l’honneur, à la vertu, au
seruice, au merite, & à la capacité, nos voisins
amis & alliez fort mal affectionnez ; nostre

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ennemi est dedans vostre Royaume,
voyez Sire, l’Estat ou vous estes, le peu de
moyen que vous auez de resister, & le precipice
dans lequel ce Sesanus, vous porte, car
il est cause de nostre mal : helas que nous
auons bien a apprehender le temps d’Achæus
Roy des Lydiens, celuy de Denis le Ieune,
voire celuy de Theodoric Roy de France,
mais bon Dieu destournez ce malheur.

 

Vn grand Prince de l’antiquité demandoit
à vn Philosophe de son siecle, les moyens de
remettre vn Estat qui estoit sur le penchant de
sa ruine, apprit que c’estoit en faisant iustice
recompensant la vertu & chastiant le vice.

Toute la France, Sire, vous represente les
maux que ce nouuel Sesanus a fait en vostre
Estat, vous en demande iustice, & vous auez
veu que l’Empire de Rome n’a peu euiter sa
cheute que par la mort de Sesanus Romain,
que V. M. donc face iustice, & ne souffre
point l’embrasement d’vn des plus beaux
Royaumes du monde ; pour maintenir contre
les loix de l’Estat, la tyrannie que ce nouuel
Sesanus & les autres mauuais François exercent
sur le peuple.

FIN.

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Anonyme [1652], LE SESANVS ROMAIN AV ROY, OV L’ABBREGÉ DES CRIMES DV PROSCRIPT MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_3667. Cote locale : B_12_63.