Anonyme [1652], LE RENVERSEMENT DE L’ESTAT Mazarinique. AVEC LE REPROCHE du moindre au plus. , français, latinRéférence RIM : M0_3351. Cote locale : B_13_19.
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LE
RENVERSEMENT
DE L’ESTAT
Mazarinique.

AVEC
LE REPROCHE
du moindre au plus.

A PARIS,

M. DC. LII.

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LE
RENVERSEMENT
de l’Estat Mazarinique.

AVEC LE REPROCHE
du moindre au plus.

AV CHEF.

Enfin les terres où nous t’auons promenez
se lassent de te porter, & ne
peuuent plus souffrir que nous battions
leurs campagnes, au prejudice de tant
de pauures Laboureurs, qui les cultiuent
aux despens de la sueur de leurs
corps, n’ont-elles pas raison de se plaindre ?
qu’es-tu plus qu’elles & plus que
nous, pour les traitter auec tant de
cruauté, & pour nous donner tant de
peine : Il est vray que comme Samson, tu

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auois autrefois de la force au bout de tes
cheueux, l’amour des peuples que tu
n’as rien estimé, & que tu auois pourtant
laissé croistre, à la faueur des beaux
lauriers, dont vn Prince genereux couronnoit
le Soleil qui ta donné la vie, en
t’éclairant de ses regards, t’auoit donné
tant de force, que tu enleuois les portes
des villes pour t’y faire entrée au seul
bruit de ta voix, & que tu marchois en
triomphe sur les testes des plus signalez
Conquerans de l’Vniuers, sans que personne
osast contredire aux arrests de tes
volontez mais tu as perdu cét amour,
on ta coupé tes cheueux, qui la fait
Dieu le sçait, si bien que n’ayant plus de
force, tu te vois reduit à tourner la
France, & à faire l’office d’vn animal,
traisnant apres toy vne roüe de malheur ;
qui escrase sous sa pesanteur l’innocent
auec le coupable, iusques à ce que comme
vne chandelle qui veut mourir, ayant
repris quelque force sur la pante de ton
infortune, par le secours de quelque

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Estranger, tu t’accable toy-mesme auec
tous tes complices sous les ruines de ta
propre fortune, mettant par ce moyen
la fin à tous nos malheurs, tu n’eusses iamais
tant fait de bruit en tombant, si tu
te fusse souuenu que n’estant que terre &
poussiere tu deuois tomber en terre, Cinis
es & in cinerem reuerteris.

 

AVX YEVX.

Et vous Comettes execrables, qui
auez empesté toute la France de vos pernicieux
regards. & porté la malediction
de la terre & du Ciel parmy tous ses peuples,
pensez vous estre plus que nous :
Il est vray que vous auez seruy autrefois
de miroir aux principales beautez de la
Cour, & que vos charmes ensorcelez
ont trahy plusieurs fois la fidelité de
leur maistre, pour contenter des curiositez
estrangeres par la douceur de leur
veuë, Oculi tui columbarum, il est vray
aussi que vous auez eu iusques à present

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la force de regarder fixement le Soleil en
son leuant, & qu’à la faueur de son iour
vous auez estendu la viuacité de vos regards
iusques dans le cœur de la Lune ;
mais ne pretendez pas comme l’Aigle le
regarder dans son midy, les tempestes
& les orages que vous auez veus par tout
ou vous auez passé, ont tellement grossy
vostre retraitte d’humeur maligne, que
vous estes deuenus tous chassieux : Nous
prions Dieu que dans peu de temps, au
lieu que vous estiez des agreables sepulchres,
ou s’enseuelissoient volontairement
toutes viuantes, les beautez dont
vous auiez fait la conqueste, vous ne
soyez plus que des cauernes à crapaux &
à Serpents, dans l’attente de ce bonheur
nous estimant autant que vous
nous vous disons, Cinis es & in cinerem
reuerteris.

 

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A LA LANGVE.

Il est vray qu’il semble que nous
auons tort, nous qui faisons le plus bas
estage du corps humain, de parler si
auantageusement des parties qui ont
leur departement dans le plus haut, c’est
à toy langue mensongere, source feconde
des fourbes satines qui courent les
ruës en ce temps, c’est à toy qu’il appartient
de faire la description de toutes les
belles qualitez de ta retraitte, & de toutes
les fonctions que tu y exerce : Ie sçay
bien, & c’est le bruit qui court, que si
tu voulois tout dire, tu noircirois la lumiere
du Soleil par la malignité de ton
discours, & chargerois la Lune de confusion ;
mais quand tu dirois tout, comme
iamais tu n’as produit que des fourbes,
nous ne te croirions pas, veux tu
montrer ton eloquence en disant la verité,
annonce à toute la terre, que sous la

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cruauté du Tyran qui te donne le mouuement,
Omnis creatura ingemiseit,
tous les peuples de France versent des
larmes de sang, & que cét horrible malheur
ne sçauroit donner d’autres armes
pour se venger à leurs bouches que ces
paroles, Cinis es & in cinerem reuerteris.

 

AV COEVR.

Pour aller de la teste au cœur il faut
passer par le col, mais estant neutre &
laissant tout passer sans rien retenir laissons
le la, & venons à ce puits de Iacob,
ou la Samaritaine va puiser de l’eau auec
sa cruche ! ah qu’il est profond & creux,
qu’elle eschelle trouuerons nous assez
grande pour y descendre, ou bien qu’elle
corde pourrons-nous faire assez longue
pour en tirer de l’eau, ne nous y
arrestons pas, ce cœur ne sçait que c’est
ny d’humilité ny de penitence, sçauez-vous

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ce qu’à fait ce puits, il a tary
toutes les belles fontaines de France,
& a attiré à soy toutes leurs
eauës, que de richesses injustement
acquises sont renfermées la
dedans : Quand il a eu fait cela, il a
eu fait cela, il a enchaisné des montagnes
les vnes auec les autres, &
les vnes auec les autres, & les
ayant meslez par ensemble, il a
fait que les valées se sentant opprimées
par le moyen de leur desordre,
ou grossi les riuieres qui
coulent à leurs pieds des torrents
de leurs larmes sans en estre touché,
d’où vient que tous les peuples
pour se consoler, s’escrient
maintenant dans la veuë de la ruine
prochaine de ce cœur reprouué,
Cinis es & in cinerem reuerteris.

 

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AV VENTRE.

Approchons-nous du thresor,
nous auons assez parlé pour auoir
dequoy boire vn coup, qui t’en
semble, les viandes du Caresme
sont-elles bonnes, belle demande,
& que sçait-il s’il y a vn Caresme,
on parle bien chez luy du iour
du Vendredy & de la Passion,
mais on ne jeusne pas pour cela,
voulez-vous sçauoir la penitence
qu’il a faite, c’est que quand il a fait
bonne chere, le bout de son ventre
en a pleuré de joye : Passons
outre ce vilain me déplaist, afin de
ne le pas voir couurons le de cendre,
Cinis es & in cinerem reuerteris.

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AVX CVISSES.

Peut-estre que les colomnes
qui soustiennent ce superbe edifice,
tireront de la gloire d’vne occupation
si illustre ; mais quel aueuglement
de ne pas voir qu’elles
vont estre brisées par la pierre qui
va renuerser ce Colosse, & que
l’ayant porté pendant sa vie, elles
periront auec luy en sa mort.
Cinis es & in cinerem reuerteris.

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LES PIEDS.

Réjoüissons-nous donc dans la
ruine de ce superbe edifice, dans la
perte de cét effroyable monstre,
& dans le renuersement d’vn tel
Estat, nous glorifiant dans les reproches
que nous luy auons faites,
& nous recompensant de nos trauaux,
en le couurant comme nous
de poussiere & de cendre, Cinis es & in
cinerem reuerteris.

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TOVT LE CORPS
aux autres parties en
particulier.

Svs donc ô Chef, vous Yeux,
toy Langue, vous Cœur, Ventre,
Cuisses, & Pieds, auisez à ne
conseiller rien qui ne soit conforme
au bien public : A ne voir aucune
chose qui ne puisse montrer
vostre inclination à conseruer les
autres parties ausquelles vous seruez
de guide ; A ne rien dire que
pour le bien de ceux à qui vous
seruez d’interprete : A n’auoir point
d’affection que pour ceux dont
vous estes le Maistre : A ne faire
aucune fonction que pour l’vtilité

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de ceux à qui vous seruez : A ne
faire agir vos muscles que ppur rendre
heureux ceux qui vous considerent
comme leur baze : Enfin
à ne faire aucun pas, & ne vous
mouuoir que pour l’vtilité d’vn
corps, qui ne vit & ne respire que
par vous, & pour vous, & sans lequel
il sera comme on peut dire de
vous, Cinis es & in cinerem reuerteris.

 

FIN.

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