LE PRINCE
DE CONDÉ,
AVX BONS BOVRGEOIS
DE PARIS.

MESSIEVRS,

Ayant appris par le rapport,
que m’en ont fait plusieurs de mes Amis, que
le Peuple murmuroit sur l’incertitude de mes
desseins, & sur l’apprehension qu’il a, que i’abandonne
ses interests, pour ne songer seulement
qu’à la seureté de ma personne, i’ay creu estre
necessaire pour le seruice du Roy, pour le salut
de son Estat, & pour le soulagement de toute la

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France, de vous donner vn entier éclaircissement
de mes intentions sur ce suiet.

 

Ayant esté assez malheureux d’experimenter,
qu’il y a aussi peu de confiance aux promesses des
Partisans du Cardinal Mazarin, qu’il y en auoit
aux siennes propres, i’ay veillé plus soigneusement
à obseruer toutes leurs pratiques, que i’ay
enfin découuert n’estre autres, que la resolution
qu’ils auoient faite d’attenter sur ma personne,
pour rétablir leur Maistre dans la mesme
authorité, qui vous a tant fait souffrir de
maux, parce que ie n’ay iamais voulu écouter
nulle de toutes les propositions qu’ils m’ont fait
sur ce suiet, & parce qu’ils se sont veus hors d’esperance
de m’y faire iamais consentir.

Ie me suis opposé au retour de ce mesme Mazarin,
pour qui vous auez eu tant d’auersion,
parce que i’ay veu qu’il ne pouuoit, ny ne vouloit
se rétablir, que sur vostre propre sang, & sur
le mien, ne considerant point de plus grand obstacle
à sa fortune que moy. I’ay creu deuoir persister
dans cette resolution auec d’autant plus de
fermeté, qu’il est éuident que la ruine entiere de
tout le Royaume s’en fut necessairement ensuiuie,
par l’antipatie que ce mauuais Ministre a auec
l’aduantage du Roy, le salut de l’Estat, & le repos
des Peuples.

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Ce sont ces considerations qui m’ont fait retirer
à S. Maur, iusques à ce qu’il eut pleu à la bonté
de la Reyne, celle de son Altesse Royale, & à
la Iustice du Parlement, de chasser des Conseils
du Roy les mesmes Sang-suës, qui ont succé nostre
sang, auec tant de cruauté, & depuis tant d’années :
Et afin que leur retour soit sans esperance,
leur commerce auec le Cardinal Mazarin rompu,
& leurs brigues finies, i’attends de la Iustice du
Roy qu’ils soient compris auec leur Maistre dans
la mesme Declaration : protestant que ie n’abandonneray
iamais Paris, pourueu que ie puisse trouuer
ma seureté dans l’amitié des Bourgeois de cette
Ville, & dans l’Vnion de la Maison Royale,
que mes ennemis, ceux du Peuple, & les amis du
Cardinal Mazarin ont tousiours empêché autant
qu’il leur a esté possible ; Vous asseurant encores,
comme i’ay fait à Son Altesse Royale, & au Parlement,
que ie n’ay, ny n’auray iamais dans la pensée,
que le vray seruice du Roy, l’accroissement
de son Estat, & le soulagement de son Peuple ;
Ce sont ces trois motifs qui m’obligerent de n’aller
pas chercher ma seureté entre les mains des Peuples
qui me demandent à hauts cris, & où ie n’auois
rien à craindre, pourueu que i’aye la satisfaction
de connoistre, que mes soins pour le bannissement
de nos ennemis communs, & ceux que

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i’employeray pour vostre soulagement vous seront
si agreables, que ie puisse esperer vn iour de
vous mesme, la iustification de ma conduite auprés
du Roy, que mes ennemis tascheront de luy
rendre suspecte dans sa Maiorité, comme ils le disent
hautement. C’est la reconnoissance que i’en
demande : & sur la confiance que i’ay aux assurances
que m’en ont donné vn bon nombre des plus
apparents Bourgeois de Paris. I’ay resté dans cette
Ville, en resolution de leur tenir les promesses
que ie leur ay fait, & que ie vous reïtere, que ie
n’en sortiray point, & n’abandonneray iamais
vos interests, qui sont ceux du bien de l’Estat ;
pourueu que vostre amitié puisse me faire esperer,
que les Supposts du Cardinal Mazarin ne pourront
rien attenter sur ma personne.

 

Affiché le 24. Iuillet 1651.