Anonyme [1649], LE PRESENT D’IMMORTALITÉ OFFERT AV ROY PAR APOLLON ET PAR LES MVSES ; REPRESENTÉES AV FEV de la Greve. Le Dimanche 5. Septembre 1649. , françaisRéférence RIM : M0_2860. Cote locale : C_6_65.
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LE
PRESENT
D’IMMORTALITÉ
OFFERT
AV ROY
PAR APOLLON
ET PAR LES MVSES ;
REPRESENTÉES AV FEV
de la Greve.

Le Dimanche 5. Septembre 1649.

A PARIS,
Chez IEAN DV CROCQ, au Mont S. Hiaire,
prés le Puits Certain.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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LE PRESENT D’IMMORTALITÉ
offert au Roy, par Apollon &
par les Muses, representées au feu
de la Gréve.

IL n’y a rien qui excite tant à l’entreprise
des belles actions que l’immortalité qui
nous est promise par la bouche des belles
Muses. C’est la plus durable & la plus innocente
recompense que la vertu puisse demander des
hommes, & c’est le desir de l’acquerir qui a fait que
ceux que l’on nomma des demy Dieux se porterent
auec tant de zele aux choses dont l’expedition ne pouuoit
estre que tres-difficile. Il est tres-certain que tant
de Statuës que l’on erigea dans Rome pour honnorer
les fameux exploits de leurs Heros, aussi bien que
les Oraisons Funebres que l’on recitoit à leurs Funerailles,
ont esté la cause des actions les plus signalées
qui depuis se sont faites. Cependant tout le monde
sçait que la Poësie a tousiours eu l’auantage sur les autres
recompenses qui ont esté le prix des nobles faits,
& c’est ce qui a fait dire à vn excellent Maistre en cét
Art ces belles paroles. Si la fortune auoit mis au rang

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de mes autres biens quelques vns des Ouurages de
Parrasius, cét excellent Peintre d’Ephese ou des Statuës
faites de la main de Scopas, ie vous en ferois vn
present magnifique. Mais ie puis me vanter que le
Ciel ma doüé d’vn esprit qui peut conceuoir des choses
plus durables que les Collosses de marbre ou de
jaspe, ny que tous les monumens que l’artifice des
Romains a inuentéz, peur seruir de recompense aux
actions illustres. Tout ce que l’on a dressé en l’honneur
de Scipion l’Affricain, du débris de la superbe
Carthage, ne luy a point donné tant d’éclat ny graué
si auant ses hauts faits dans le Temple de memoire,
que les diuins écrits du Poëte Ennius. C’est ainsi qu’il
parle à vn de ses amis ; Et voicy ce qu’il y adjouste auec
toutes les graces, qui sont les compagnes inseparables
de sa plume. Ceux qui meritent quelque loüange
sont rendus immortels par les Muses, c’est par
leur moyen qu’Hercule a mangé à la table des Dieux,
& que Castor & Pollux ont seruy d’Astres brillants
pour la conduitte des Nautonniers.

 

Voila sans doute vne excellente peinture de l’excellence
de ce bel Art, & c’est pour ce sujet qu’on nous
represente icy cette trouppe des Sœurs d’Apollon,
où ce docte inspirateur des belles choses preside, pour
faire voir à nostre jeune Prince que les Roys sont
moins recommandables par le Sceptre & par le Diademe,
qu’ils ne le sont par la plume des Poëtes. Combien
de Monarques qui ne sont plus que poudre dans

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les tombeaux de sainct Denys, seroient entierement
effacez de la memoire des hommes, si ce n’est que l’amour
qu’ils ont tesmoigné pour les belles Lettres,
ont obligé les sçauans de leurs siecles, d’écrire en leur
faueur. A peine on parleroit aujourd’huy de tous ces
grands Monarques, qu’on ne voyoit jadis qu’en tremblant,
& de qui les regards sembloient lancer la foudre,
s’ils n’auoient quelquefois pris le soing des hommes
addonnez aux belles Lettres. Il est bien seant aux
Roys de descendre souuent de leur Trosne, pour faire
vn honorable accueil à ceux qui leur peuuent donner
vne gloire immortelle. Les marbres ne seront vn iour
que de la poussiere, mais les vers tracez par vne plume
eloquente seront leus par la derniere posterité, &
c’est par eux seuls qu’on se doit promettre vne seconde
vie apres le trespas.

 

Oüy, mon cher Prince, ces filles icy representées
auec des Luths, auec des Lyres, chanteront des Cantiques
en vostre honneur, qui seront escoutez de
toute la terre qui s’interesse en vostre gloire par l’esperance
qu’elle conçoit de la grandeur de vos actions
futures Nous nous promettons que vous ne serez pas
moins amateur des Sciẽces & de ceux qui les professẽt
que l’on esté dans les siecles passez les Chilperics, les
Charles-Magnes, les Roberts, les Philippes, les Charles
& les François. Nous nous promettons que vous
ne serez pas moins victorieux que Meroüée, qui s’est
acquis ce tiltre par diuerses conquestes. Nous nous

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promettons que vous ne serez pas moins vaillant que
Clouis, que vous ne serez pas moins craignant Dieu
que les Clotaires, les Dagoberts & les Philippes Augustes.
En vn mot, ô mon cher Prince, vous marcherez
sur les pas du feu Roy vostre pere, Monarque de
qui la gloire parmy les hommes ne finira qu’auec les
Astres. Oüy, mon Prince, vous aurez seul toutes les
vertus des Monarques vos predecesseurs, & vous n’aurez
aucun de leurs vices. Il en sera de vostre vie comme
de cette voye lactée des Anciens qui estoit le chemin
des Heros, pour monter au plus haut poinct de la
gloire. C’est là le sentiment de tous vos Peuples, c’est
là le sentiment des plus sages, & de tous ceux qui ont
l’honneur d’étudier les mœurs & les inclinations de
vostre Majesté. Quant à moy, mon cher Prince, c’est
le sentiment d’vn Solitaire, qui ne fait des vœux au
Ciel que pour la gloire de vostre Couronne, & la prosperité
de vostre Regne. Viue le Roy.

 

FIN.

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