Anonyme [1649], DIALOGVE DE IODELET ET DE LORVIATAN Sur les affaires de ce temps. , françaisRéférence RIM : M0_1080. Cote locale : C_7_20.
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DIALOGVE DE IODELET ET DE L’ORVIATAN,
sur la Paix.

L’Oruiatan. Remettre d’vn depost, & mespriser la recompense,
c’est trop au temps ou nous sommes, entre François
corrompus de maximes estrangeres.

Iodelet, Mon humeur plus franche que ton metail te rend
sincerement ce qui t’appartient, exempt de mon enuie & de
la main du delateur, sans l’accident que ie craignois dans ce
rencontre, me sentant au dessus des laschetez generales, soufre
que ma satisfaction soit parfaite par le refus de tes presens.

L’Oru. Ie t’admire, que seul tu mesprise ce que le reste des
hommes poursuit auec tant d’ardeur, dispose à l’aduenir, dispose
de moy, de ma personne & de tous mes secrets.

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Iod, Repare seulement deux cartilages qu’vne maligne
verole a rongé au nez de Iodelet, si ton sçauoir le permet, sinon
viuons auec ioye, & allons à la mort auec vn nez pourry,
pourueu que la paix subsiste auec bonne intention de part &
d’autre.

L’Oru, C’est ce qu’on ne peut attendre les fondemens, les
moyens & la fin estans contraires au bien que tu desires, la
necessité forcée y a contraint les deux pattis interessez des
lasches & des ignorans, ont esté les entren etteurs, & le dessein
de surprendre pour se vanger cruel ement est le seul but de la
pacification presente.

Iodelet. Ma Politique ne desbroüille pas aysement ces beaux
raisonnemens : rend les moy plus intelligibles, & t’asseure du
secret, estant deffendu par arrest de dire verité.

L’Oruiatan, Ie le veux sans autre caution que ta preud’homie,
tu sçais combien les Barricades furent sensibles à l’esprit
de la Reyne, les craintes qu’en receut le Seigneur [1 lettre ill.]ules, la
rage des conseillers de nos maux, de voir leurs desseins trauersez
par la suppression des Intendans, & le refus des Edicts
que le petit nombre des gens de bien du Parlement dissipoit
les trahisons des pensionnaires, que le peuple se lassoit de la
tyrannie, & que les fourberies Italiennes estant cogneuës
cõmençoient d’estre detestées, tu sçais les propositions de Tellier,
de Bautru, de Iars & de Seneterre, & qui asseuroient
d’vne vengeance infaillible, & que la rage du Prince de
Condé promettoit dedans peu tous ces subjets, obligerent au
depart clandestin de la veille des Roys, & amenerent
toutes les violeries & pilleries pour destruire ou pour incommoder
Paris : Iusques-icy tout alloit bien, le premier
President & sa cabale destournoit les bonnes deliberations,
il trahissoit auec beaucoup d’adresse, & plus d’impunité, la
feneante ou stupide malice des Generaux luy donnant facile
moyen de ce faire, le bled deueit rare, le murmure frequent,
dans peu le peuple reduit aux abois eust imploré les
plus dures conditions : D’autre costé le Prince de Condé se
rendoit insupportable, traitans la Reyne auec mespris, le
Cardinal auec indignité. Il ordonnoit de tout, commandoit
à tout & prenoit tout, cela fit resoudre de conclurre la paix

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pour l’oster de credit & se deliurer d’vn appuy si dangereux
elle se traicte & s’acheue par des corrompus, & des lasches,
les Generaux y consentent, ne la pouuans empescher, chacun
d’eux l’ayant offerte en son particulier, si la recompense
eust accompagné la trahison : enfin on menace apres la campagne
de remettre les choses pires que deuant, de desquiller
le Prince, destruire le Parlement, & se vanger du peuple.

 

Iodelet.. Quoy dans Anne nous en garde de nouuelles, concertan
l’vn maudit dessein de si longue main : c’est pour cela
que Mazarin pretend s’allier des Vendosmes pour s’oppoier
a Bourbon, le pere est capable de pis, & Mercœur est assez
idiot pour le faire la n’aduienne que Beaufort signalement
estimé consente à cette lascheté.

L’Oru Tu es encore du vieux temps, les Grand Seigneurs
sõt fort capable de tout, tel auiourd’huy refuse qui den ain peut
prier. On ne le peut accuser iusques, mais parmy cette espece
de gens qu’on appelle Princes & grands Seigneurs, il n’y a
soy honneur ny probité° ; leur passion & leurs interests sont les
seules regles de leurs mouuemens. Il est aymé, s’il continuë
& honoré s’il resiste à l’ambition, à l’auarice & à la foiblesse,
par le mespris de l’admirauté, de l’abandon de sa vieille affection :
mais fourbe & sot qui se fiera en perfide ou meschant,
est pour se vanger de l’vn par l’autre & perdre tous les deux
on veut ruiner Condé par Beaufort que l’on traittera à la Batillone.

Iod. Que de ruse pour attraper le credule, iamais la Beaupré
n’en sçeust tant, ny à elle conferé, elle ma conferé, elle ma confessé que tout
le mal qui la perdit ne luy vint que de quelque grand Monsieur
que ie ne cognus oncques que par leurs iustes qu’elle me
communiqua basse vieillesse à ses incommoditez : mais que
fait le Parlement en tout cecy, le peuple l’honoroit & le garantissoit.

L’Oru. Il est descheu de creance, s’il se fust maintenu, vny
& incorruptible : Il restablissoit la France, regloit la Regence,
punissoit les criminels, protegeoit le peuple & le deliuroit
à iamais des fauoris : mais excepté trois douzaine de
fidels & de bonne gens, tout est corrompu, gaigné & malfaisant :
Molé a parole d’vn Chappeau de Cardinal, de Mesme

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de sa charge, de Maisons a pension, de Nemond est possedé,
Viole a fait le veau, le reste du fretin demande, espere,
& attend argent, benefices & Preuosté des Marchands, de
ces Charge on pretend en faire deux, chaque President voulant
produire vn Conseiller.

 

Iod. Quoy, iusques a la barbe du Cagot qui soit d’embuscade
à l’infidelité, estre hypocrite, ambitieux & scelerat,
le Chapeau luy appartient : nul Cardinal depuis long-temps
ne l’eust par d’autres qualitez, fasse mal qui voudra, le surplus
du corps que ne fait il son deuoir.

L’Oruiatan, Ce n’est plus que les restes des Figures de
cet Ancien Parlement, par la souffrance des canailles qui
en ternissent le lustre & en corrompent la pureté, la vente
des charges en recule l’homme d’honneur peu abondant, &
reçoit l’indigent, l’opulent, la vertu, la naissance, le sçauoir
& la probité ne sont plus considerées pour y paruenir, l’argent
seul y donne entrée, la moitié qui le compose n’est que
reiettons d’artisans, de criminels & de Partisans, qui comme
mulets n’engendrent point leurs semblables : iamais enfans
de Traictans ne deuiennent gens d’affaires, le fils portant
robe rouge dont le pere à bonnet vert par vne infame
banqueroute, encore pretendent-ils le respect que l’on deuroit
à ceux dont ils representent l’image des caualiers doctes
& qualifiés honoroient autrefois les charges qui les rendent
maintenant mesprisables : aussi fait-on difference d’vn
ignorant fils de maltote au meritant Officier, desquels on
attend apres Dieu le secours aux maux qui destruisent la
France. Cette trompeuse paix fait elle cesser les pilleries, &
arrester les meurtres, rechercher & poursuiure les autheurs de
ces crimes. Le peuple demande iustice, si vous ne la rendez
exemplaire il la fera violente, la patience est au bout, & l’Estat
a besoin de remede.

Iodelet, Tu parle bien pour vn Italien, ces malheurs m’affligent
ou ie ne peux remedier, tu en sçais trop pour vn Droguiste,
& moy trop peu pour vn bouffon, chacun reprenne
son mestier, prend tes poudres & moy ma farine.

FIN.

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