Anonyme [1652 [?]], LE POLITIQVE VNIVERSEL, OV BRIEVE ET ABSOLVE DECISION de toutes les questions d’Estat les plus importantes. SCAVOIR EST, I. Si les Roys sont d’institution diuine. II. S’ils ont vn pouuoir absolu sur nos biens & sur nos vies. III. Si les conditions auec lesquelles les peuples se sont donnez aux Roys ne doiuent pas estre inuiolables. IV. S’ils sont obligez d’obseruer les loix fondamentales de l’Estat. V. Si leur gouuernement doit estre Monarchique ou aristocratique, pour le bien commun du Prince & du peuple. VI. S’ils doiuent auoir des Fauoris. VII. Si leurs Fauoris doiuent entrer dans le Conseil, & prendre le gouuernement des affaires. , françaisRéférence RIM : M0_2818. Cote locale : B_17_30.
Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)

QVESTION III.

Sçauoir si les conditions auec lesquelles les
peuples se sont donnez aux Roys, ne
doiuent pas estre inuiolables.

IL n’y a point de Roy qui ne soit ou d’institution
diuine, ou d’institution humaine,
ou d’institution tyrannique, comme nous
auons desia dit. Celuy qui est d’institution tyrannique,
& qui est monté sur le thrône qu’il

-- 17 --

occupe par la violence des armes, donne la
loy, & fait telle condition qu’il luy plaist aux
peuples qu’il s’est assujettis, parce qu’il s’establit
contre la volonté de Dieu, contre la volonté
des hommes, contre l’ordonnance des
Loix, & contre l’ordre de la nature. Celuy
qui est d’institution Diuine, sur peine d’estre
chassé de ses Estats, comme Roboam, ou du
moins de voir écrire sa condemnation sur la
muraille de sa chambre, comme Balsasar Roy
de Babylone, doit suiure les diuines instructions
que Dieu luy donne dans plusieurs endroits
des sacrez Cayers de l’Ecriture Sainte :
Mais ceux qui sont d’institution humaine,
c’est à dire qui ont esté choisis, esleus, & mis
sur le trosne, purement & simplement de la
bonne volonté de leurs sujets, sans attendre
aucun commandement du Ciel pour cela, à
dessein de les proteger contre toute sorte de
tyrannies ; sont obligez en conscience ; & selon
Dieu de maintenir ces mesmes subiets,
eux & toute leur posterité, comme estant toute
comprise en la personne de ces illustres traitans,
dans les conditions qu’ils ont faites auec
eux, sans auoir aucun droit d’y adiouster quoy
que ce puisse estre, que du consentement de
ces mesmes peuples, suiuant en cela les sentimens
qu’ils se sont faits reciproquement les

-- 18 --

vns & les autres deuant Dieu & deuant les
hommes, puis que cét adorable Seigneur ne
veut pas qu’on iure en vain, & qu’il donne sa
malediction à ceux qui se dispensent de le
faire.

 

C’est pourquoy les conditions auec lesquelles
les peuples se sont donnez aux Roys
doiuent estre inuiolables. Que si le Prince
desire quelque chose de plus, il faut que ce
soit du consentement de ses sujets, & qu’il leur
fasse voir en le demandant, que c’est pour le
bien de l’Estat, & pour l’vtilité publique. A
moins de cela les peuples ont droit de s’opposer
à ses volontez, & de luy representer son iniustice.
Le droit public est vn ouurage si precieux
à Dieu, que personne du monde ne l’oseroit
auoir violé, sans courre risque d’attirer
sur soy vne malediction infinie, à ce que nous
apprend la mesme Sagesse. La portion & les
dons hereditaires des Souuerains, sont tous
compris dans leur domaine. Et s’il y a quelque
Potentat qui veille franchir ces limites par la
force & par la violence d’vn pouuoir absolu,
ou d’vne authorité independante, qu’il s’asseure
d’estre mis au nombre des Tyrans, par celuy
qui détrosne les Rois & qui aneantit les
puissances.

Dieu mesme, de qui tout le monde releue,

-- 19 --

ne confirme iamais auec serment les conditions
qu’il a faites à ses creatures, que pour les
rendres inuiolables, quelques pécheurs que
nous puissions estre, tant il est ponctuel en
l’obseruation de ses promesses. C’est pourquoy
ce seroit vne chose bien estrange, que
ceux qui ne sont rien en comparaison de ce
Souuerain Seigneur, voulussent auoir des libertez
qu’il ne veut pas auoir, & par ainsi
qu’ils voulussent impunement vser du bien &
de la vie des peuples. Regalem potestatem, populi
naturali perfusi lumine erexerunt, dit vn Autheur
Espagnol, ce qui fait bien voir que les conditions
auec lesquelles les peuples se sont donnez
aux Roys, & sont tellement reciproques,
que l’vn ne sçauroit auoir raison de faire quelque
chose au dela de ces mesmes conditions,
sans que la mesme raison donne la liberté aux
autres de faire la mesme chose.

 

Si les Rois pour tyranniser les peuples se
dispensent des accords & des conuentions
qu’ils ont faits ensemble, les peuples s’en peuuent
bien dispenser pareillement aussi, pour
s’empescher d’estre tyrannisez par les Princes.
Les Roys de la premiere & seconde race, &
mesmes beaucoup de la troisiesme se sont bien
cõtentez de leur domaine, sans leuer quelque
chose d’extraordinaire sur leurs sujets, qu’en

-- 20 --

cas d’vne necessité bien pressante. C’est pourquoy
les sujets ayant affecté ce domaine à la
subsistance des Roys, l’ont rendu inalienable.
Et ie croy fermement, si les Roys leuent quelque
chose au dela de ce domaine, qui n’est
que trop suffisant de fournir à toutes les dépenses
qu’ils sont obligez de faire, sans vne
pressente necessité & contre la volonté des
peuples, qu’ils offensent Dieu mortellement,
& qu’ils sont obligez à la restitution des sommes
qu’ils auront leuées.

 

Et ce qui est à noter que les Estats ne se sont
iamais déportez de la connoissance des subsides
extraordinaires qu’il a fallu leuer sur les
peuples, faisant voir par ce moyen là que le
Roy en demeuroit cõme cõptable enuers les
mesmes peuples. Non il n’y a point de prescription
qui puisse iamais acquerir aux Roys, le
droit de faire des leuées sans le consentement
de ses Estats en façon quelconque. Ce qui fait
bien voir que les Roys n’ont pas aucun droit
sur les biens de leurs sujets, & qu’ils ne peuuent
pas les obliger à les leur bailler sans iniustice.
C’est pourquoy la pluspart des premiers
Roys qui ont commancé à leuer sur le
peuple, en ont fait vn poinct de conscience
& s’en sont accusez deuant Dieu, comme
d’vn grand crime.

-- 21 --

Les peuples font les Roys, & les Roys me
pardonneront bien si ie dis apres le Prince du
raisonnement Scholastique, que l’effet a toute
l’obligation de son estre à la cause qui l’a mis au
monde. C’est pourquoy si les Roys pour amasser
des biens qui ne leur appartiennent pas,
veulent rompre les conditions auec lesquelles
les peuples se sont donnez à eux, ils destruisent
entierement ce qui les fait ce qu’ils sont, & s’ils
destruisent entierement ce qui les fait ce qu’ils
sont, ils se destruisent eux-mesmes. Les conditions
de l’vn & de l’autre n’ayans qu’vn mesme
supost, ne sçauroient pareillement aussi
auoir qu’vne pareille aduanture : De sorte qu’il
faut necessairement conclurre par là, que ces
conditions doiuent estre toutes deux inuiolables,
puis qu’elles n’ont toutes deux qu’vn
mesme principe & qu’vne mesme destinée.
Qui déroge infailliblement aux conditions de
ce pourquoy il doit estre, tant cette relation se
trouue reciproque.

-- 22 --

Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)


Anonyme [1652 [?]], LE POLITIQVE VNIVERSEL, OV BRIEVE ET ABSOLVE DECISION de toutes les questions d’Estat les plus importantes. SCAVOIR EST, I. Si les Roys sont d’institution diuine. II. S’ils ont vn pouuoir absolu sur nos biens & sur nos vies. III. Si les conditions auec lesquelles les peuples se sont donnez aux Roys ne doiuent pas estre inuiolables. IV. S’ils sont obligez d’obseruer les loix fondamentales de l’Estat. V. Si leur gouuernement doit estre Monarchique ou aristocratique, pour le bien commun du Prince & du peuple. VI. S’ils doiuent auoir des Fauoris. VII. Si leurs Fauoris doiuent entrer dans le Conseil, & prendre le gouuernement des affaires. , françaisRéférence RIM : M0_2818. Cote locale : B_17_30.