Anonyme [1649], TRES-HVMBLES REMONSTRANCES DE LA PROVINCE DE GVYENNE, AV ROY. , français, latinRéférence RIM : M0_3828. Cote locale : C_9_43.
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mieux fait ressouuenir que dãs Paris, de ce temps
où ces sales animaux déborderent par vne playe du
Ciel sur toute l’Egypte, iusques à ramper sur les Licts
de soye, & sur la vaisselle d’argent de Pharaon ; il n’est
rien de si pur ny de si exempt du commerce, qu’ils
n’ayent sally de leur attouchement. Ils ont fait à leur
Roy des bras plus courts qu’à l’ordinaire, & ont donné
toute sa moderation à son impuissance ; ils n’ont pas
pris garde à ce qui combattoit plus fortement ses meilleurs
inclinations, quand par vne guerre intestine conduite
pourtant par de puissantes raisons de pieté &
de iustice, elle voyoit bien qu’elle ne pouuoit arriuer
dans son Thrône, qu’en se faisant des marches des
corps de ses suiets.

 

Et ascenderunt
ramus,
operueruno
quæ tertam
Ægypti.
Exod. S.

Ie songe quelque fois, SIRE, mais en transsissant
d’horreur & d’estonnement, aux rauages qu’eust fait
cette colere du Ciel, si par l’abaissement & la penitence
de tout ce qu’il y a d’Ames Chrestiennes en vostre
Royaume, elle n’eust tout a coup disparu auec tout cét
épouuentable appareil, qui va fondre sur l’Vniuers,
quand le comble de ses pechez est rempli. Ie voyois
que des enfans estoient reseruez pour estre la proye &
les dépoüilles de leur pere, & ne pouuoient manquer
d’estre amenez chargez de chaisnes, deuant celuy qui
leur fait porter par honneur le collier d’or ; que leur
vie alloit estre le bien & l’vtilité d’vne victoire bien funeste,
puisque celuy qui en deuoit ramasser tout le
fruict, en deuoit aussi courir toutes les risques, & commencer
sa deffaite par soy mesme, par sa douleur & par
son chagrin. Ie voyois que la France, qui est ce beau
rameau d’or de la Sibyle inuincible, par les âges & les
hyuers, qui n’a iamais esté arraché de son arbre par la
force, & quand il a esté pris ç’a esté tousiours par
vne main qui auoit le bonheur de son party, s’alloit
consommant dans le feu d’vne querelle ciuille, & ne
laissoit que de tristes cendres, pour preuue de l’eternité



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