Anonyme [1652], HISTOIRE DE MAGDELAINE BAVENT, Religieuse du Monastere de Saint Loüis de Louviers. Avec sa Confession generale & testamentaire, où elle declare les abominations, impietez, & sacrileges qu’elle a pratiqué & veu pratiquer, tant dans ledit Monastere, qu’au Sabat, & les personnes qu’elle y a remarquées. Ensemble l’Arrest donné contre Mathurin Picard, Thomas Boullé & ladite Bavent, tous conuaincus du crime de magie. DEDIÉE A MADAME LA DVCHESSE d’Orleans. , françaisRéférence RIM : M0_1640. Cote locale : B_5_56.
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pas qu’en me declarant à M. Langlois, à qui j’avois
liberté de parler quelque fois, bien que je ne l’eusse pas de me
confesser Sacramentellemẽt, je l’informois qu’elles se trouvoient
au maudit lieu où j’étois enlevée. Ce qui me le fait penser est,
qu’assez souvent j’ay trouvé des Religieuses qui écoutoient ce
que je luy disois. Il m’a pourtant esté impossible de les dicerner ;
elles s’evadans assez promptement, & le lieu étant obscur : seulement
en ay-je reconnu vne, qui se nomme Ieanne de Saint François.
Il y a plus, La Mere de la Croix desiroit que je me découvrisse
à elle dans mes troubles & mes peines : Ie luy répondis, que
mon affaire n’étoit pas pour des femmes, mais pour des hommes ;
& pour des hommes qui ne fussent pas bestes. Elle eust bien voulu
que je me fusse confessée à certain Ecclesiastique de la Maison,
puis que je n’avois pas la liberté de le faire au sieur Langlois. Ce
n’étoit point mon dessein, parce que je ne le croyois pas capable
de m’aider suffisamment ; outre que je luy avois veu faire quelques
actions assez peu honnestes vers des Religieuses, qui me
donnoient peu d’estime de sa personne.

 

Toutes ces conjectures ne sont pas si legeres, & meritent bien
d’estre pesées. Mais voicy l’occasion qu’elles prirent, pour se liguer
contre moy : Anne Barré, dite de la Nativité, avoit esté receuë
dans la Maison quelques mois devant la mort de Picard. Ie ne
sçay pas comme elle a vécu estant au monde : Mais il est certain
qu’assez tost apres son entrée, & lors qu’elle n’avoit encore que
son habit seculier, elle se comporta comme vne fille qui commençoit
d’avoir des visions, & qui étoit d’ordinaire hors d’elle.
Cela augmenta apres le deceds de Picard. Ie diray icy deux choses
qui me sont arrivées avec elle : L’vne est, que dans le mois de
Decembre de l’année 1642. le S. Sacrement étant en ma Cellule,
que M. Langlois avoit fait fermer à la clef, à cause des deux enlevemens
rapportez cy-devant, elle ne laissa pas de paroître dedans
la nuict, y apporta le papier de blâphemes, m’éveilla pour me le
faire lire : & refusant de le faire, me le lust distinctement tout entier,
le tenant entre ses mains : Dequoy j’avertis dés le lendemain
matin M. Langlois, qui en fut fort étonné : L’autre, qu’au mois de
Ianvier ensuivant de l’année 1643. elle me joüa vn étrange trait,
& qui peut donner ouverture à juger ce qu’elle peut estre. Ie
sortois de ma Cellule, & rencontray la Mere de Sainte Genevieve,



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