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Il y a trente ans, la numérisation des Mazarinades avait failli commencer…

Méthodologie, épistémologie, technologie, idéologie sont construites, décryptées ou seulement évoquées par les chercheurs, alors même qu’elles les orientent, les contraignent, et les acculent parfois dans les dédales de la polémique ou dans les impasses des constructions universitaires claniques.
Voulant étudier un objet, par exemple « les mazarinades », nous devons nous méfier d’abord de ce que nous considérons comme nos meilleurs outils, nos meilleurs livres ou nos meilleurs amis.
Voici ce que disait de l’informatique et de la lexicométrie Denis Richet dans la préface à Mazarinades : la Fronde des mots de Christian Jouhaud, en 1982 (Aubier, p. 12-13, idem dans rééd. 2009).

“Que n’a-t-on écrit sur le “radicalisme”, les aspects “révolutionnaires” de quelques textes parisiens et bordelais de 1649 et surtout de 1652 ! Je m’étais élevé, voici dix ans, sur la base de lectures il est vrai fragmentaires, contre ces interprétations. Sans doute parce que les sermons et les traités du temps de la Ligue m’avaient fait connaître une tonalité infiniment plus radicale, quand bien même le contenu de ces textes – largement emprunté à la scolastique des XIIIe et XIVe siècles – était pauvre en idées originales. J’en retrouvais un écho très affadi dans la littérature de 1652. Christian Jouhaud ouvre largement le dossier dans son chapitre VI et fait définitivement justice de ces légendes. De même qu’il montre, preuves à l’appui, que l’Ormée bordelaise, loin d’avoir été une sorte d’association niveleuse et républicaine, n’a souhaité que maintenir ou rétablir une “cohésion citadine” menacée (chapitre VIII).
Face à ce type de lecture qui tend à isoler les textes, la tentation était grande d’appliquer les méthodes de quantification qui avaient réussi ailleurs et de recourir à l’ordinateur. On l’avait tenté pour l’examen des doléances exprimées lors des États-Généraux, ceux de 1789 et ceux de 1614. Ne pourrait-on pas recourir aux mêmes procédés pour les thèmes des pamphlets ? Je dois faire ici mon auto-critique. Séduit par cette perspective j’avais lancé, avec l’aide d’un informaticien, le projet d’une vaste enquête sur les mazarinades qui devait permettre de saisir les textes (10% du corpus de Moreau) dans leur intégralité. Ce fut un échec, non pas dans la méthode, mais en raison de l’inadéquation de cette méthode au matériau à traiter. Je laisse ici la parole à Christian Jouhaud : “Les mazarinades ne sont pas des témoignages sur les idées politiques d’un auteur ou d’une époque… Elles ne sont pas le reflet d’une opinion publique et ne peuvent que très mal servir à l’écriture d’une histoire des idées politiques. Les analyses lexicologiques ou lexicométriques (ce que d’autres appellent la sémantique quantitative) sont vaines… Le résultat serait alors à l’encontre du projet, restaurant sous couvert de rigueur statistique l’illusion de la transparence de l’écriture. Contrairement à d’autres corpus, tels les cahiers de doléances, les mazarinades ne se prêtent pas aux études sérielles” (chapitre I, page 38 [p. 39 dans rééd. 2009]). Je souscris entièrement à cette conclusion.”

Qu’en dire aujourd’hui ? Tout d’abord qu’ils (Richet et Jouhaud) avaient probablement raison sur l’inadéquation de la méthode au matériau – encore que tant qu’on n’est pas allé jusqu’à l’échec, on ne peut pas en être sûr… Ici la procrastination et l’auto-critique ne seraient pour nous que des artifices rhétoriques.
Ensuite, que l’équipe des RIM a récemment mis en ligne à peu près 50% du “corpus de Moreau”, avec des outils logiciels plus fins que ceux de 1982.
Dans leur formulation, Richet et Jouhaud semblent associer l’ordinateur (outil de classement et de calcul) et la méthode d’analyse (sémantique quantitative). Cela ne serait plus possible aujourd’hui.
Mais quelles sont ou seront les méthodes pour l’étude du corpus des Mazarinades ?
L’équipe des RIM y travaille, met au point des stratégies et des outils. Des propositions et des études paraîtront. En priorité, l’équipe des RIM met ces textes à disposition et invite les chercheurs de toutes les disciplines à découvrir ce corpus, le parcourir avec leurs yeux et leurs connaissances, et à faire des propositions. Alors peut-être une nouvelle forme d’étude des Mazarinades pourra commencer…

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